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Le Journal d'AncestraL - révélateur à l'acide

4 décembre 2017

Discours de Victor Hugo sur la misère : le point de départ pour ma Loi en aide aux SDF

http://www.24601.fr/sl/1970010137-discours-sur-la-misere/

Discours sur la misere – Victor Hugo

9 Juillet 1849 à la tribune de l’assemblée nationale, notre père, Hugo …

(9 Juillet 1849)

(…)
« Messieurs, j’entends dire à tout instant, et j’ai entendu dire encore tout à l’heure autour de moi, au moment où j’allais monter à cette tribune, qu’il n’y a pas deux manières de rétablir l’ordre. On disait que dans les temps d’anarchie il n’y a de remède souverain que la force, qu’en dehors de la force tout est vain et stérile. (…)
 

Il faut profiter du silence imposé aux passions anarchiques pour donner la parole aux intérêts populaires. (Sensation). Il faut profiter de l’ordre reconquis pour relever le travail, pour créer sur une vaste échelle la prévoyance sociale ; pour substituer à l’aumône qui dégrade (Dénégations à droite) l’assistance qui fortifie ; pour fonder de toutes parts, et sous toutes les formes, des établissements de toute nature qui rassurent le malheureux et qui encouragent le travailleur ; pour donner cordialement, en améliorations de toutes sortes, aux classes souffrantes, plus, cent fois plus que leurs faux amis ne leur ont jamais promis ! Voilà comme il faut profiter de la victoire. (Oui, oui, Mouvement prolongé)
 

Il faut profiter de la disparition de l’esprit de révolution pour faire reparaître l’esprit de progrès. (…)
 

Donner à cette assemblée pour objet principal l’étude du sort des classes souffrantes, c’est-à-dire le grand et obscur problème posé par Février, environner cette étude de solennité, tirer de cette étude approfondie toutes les améliorations pratiques et possibles ; substituer une grande et unique commission de l’assistance et de la prévoyance publique à toutes les commissions secondaires qui ne voient que le détail et auxquelles l’ensemble échappe ; placer cette commission très-haut de manière à ce que l’on l’aperçoive du pays entier(Mouvement) ; réunir les lumières éparses, les expériences disséminées, les efforts divergents, les dévouements, les documents, les recherches partielles, les enquêtes locales, toutes les bonnes volontés en travail, et leur créer ici un centre, un centre où aboutiront toutes les idées et d’où rayonneront toutes les solutions ; faire sortir pièce à pièce, loi à loi, mais avec ensemble, avec maturité, des travaux de la législature actuelle le code coordonné et complet, le grand code chrétien de la prévoyance et de l’assistance publique ; en un mot, étouffer les chimères d’un certain socialisme sous les réalités de l’évangile. (Vive approbation) (…)

Je viens de dire : les chimères d’un certain socialisme, et je ne veux rien retirer de cette expression, qui n’est pas même sévère, qui n’est que juste. Messieurs, expliquons-nous cependant. Est-ce à dire que, dans cet amas de notions confuses, d’aspirations obscures, d’illusions inouïes, d’instincts irréfléchis, de formules incorrectes, qu’on désigne sous ce nom vague et d’ailleurs fort peu compris de « socialisme », il n’y ait rien de vrai, absolument rien de vrai ? (…)

Eh bien ! Messieurs, disons-le, et disons-le précisément pour trouver le remède, il y a au fond du socialisme une partie des réalités douloureuses de notre temps et de tous les temps (Chuchotements) ; il y a le malaise éternel propre à l’infirmité humaine ; il y a l’aspiration à un sort meilleur, qui n’est pas moins naturelle à l’homme, mais qui se trompe souvent de route en cherchant dans ce monde ce qui ne peut être trouvé que dans l’autre. (Vive et unanime adhésion). Il y a des détresses très vives, très-vraies, très-poignantes, très-guérissables. Il y a enfin, et ceci est tout à fait propre à notre temps, il y a cette attitude nouvelle donnée à l’homme par nos révolutions, qui ont constaté si hautement et placé si haut la dignité humaine et la souveraineté populaire, de sorte que l’homme du peuple aujourd’hui souffre avec le sentiment double et contradictoire de sa misère résultant du droit (Profonde sensation)
 

C’est tout cela, messieurs, qui est dans le socialisme, c’est tout cela qui s’y mêle aux passions mauvaises, c’est tout cela qui en fait la force, c’est tout cela qu’il faut en ôter.

Voix nombreuses : – Comment ?

M. Victor Hugo : – En éclairant ce qui est faux, en satisfaisant ce qui est juste. (C’est vrai !)Une fois cette opération faite, faite consciencieusement, loyalement, honnêtement, ce que vous redoutez dans le socialisme disparaît. En lui retirant ce qu’il a de vrai, vous lui retirez ce qu’il a de dangereux. Ce n’est plus qu’un informe nuage d’erreurs que le premier souffle emportera. (Mouvements en sens divers).
 

Trouvez bon, Messieurs, que je complète ma pensée. Je vois à l’agitation de l’assemblée que je ne suis pas pleinement compris. La question qui s’agite est grave. C’est la plus grave de toutes celles qui peuvent être traitées devant vous
 

Je ne suis pas, Messieurs, de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde, la souffrance est une loi divine, mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère. (Réclamations – Violentes dénégations à droite)
  Remarquez-le bien, Messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. (Nouveaux murmures à droite). La misère est une maladie du corps social comme la lèpre était une maladie du corps humain ; la misère peut disparaître comme la lèpre a disparu. (Oui, oui ! à gauche). Détruire la misère ! Oui, cela est possible ! Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas le fait, le devoir n’est pas rempli. (Sensation universelle)

 La misère, Messieurs, j’aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir où elle en est, la misère ? Voulez-vous savoir jusqu’où elle peut aller, jusqu’où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au moyen-âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? Voulez-vous des faits ?
Il y a dans Paris (l’orateur s’interrompt)
Mon Dieu, je n’hésite pas à les citer, ces faits. Ils sont tristes, mais nécessaires à révéler ; et tenez, s’il faut dire toute ma pensée, je voudrais qu’il sortît de cette assemblée, et au besoin j’en ferai la proposition formelle, une grande et solennelle enquête sur la situation vraie des classes laborieuses et souffrantes en France. Je voudrais que tous les faits éclatassent au grand jour. Comment veut-on guérir le mal si l’on ne sonde pas les plaies ? (Très bien, très bien !)

 Voici donc ces faits :

 Il y a dans Paris, dans ces faubourgs de Paris que le vent de l’émeute soulevait naguère si aisément, il y a des rues, des maisons, des cloaques, où des familles, des familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n’ayant pour lits, n’ayant pour couvertures, j’ai presque dit pour vêtements, que des monceaux infects de chiffons en fermentation, ramassés dans la fange du coin des bornes, espèce de fumier des villes, où des créatures humaines s’enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l’hiver (Mouvement).

 Voilà un fait. En voici d’autres : Ces jours derniers, un homme, mon Dieu, un malheureux homme de lettres, car la misère n’épargne pas plus les professions libérales que les professions manuelles, un malheureux homme est mort de faim, mort de faim à la lettre, et l’on a constaté après sa mort qu’il n’avait pas mangé depuis six jours. (Longue interruption) Voulez-vous quelque chose de plus douloureux encore ? Le mois passé, pendant la recrudescence du choléra, on a trouvé une mère et ses quatre enfants qui cherchaient leur nourriture dans les débris immondes et pestilentiels des charniers de Montfaucon ! (Sensation)

 Eh bien, messieurs, je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être ; je dis que la société doit dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté, pour que de telles choses ne soient pas ! je dis que de tels faits, dans un pays civilisé, engagent la conscience de la société toute entière ; que je m’en sens, moi qui parle, complice et solidaire (Mouvement), et que de tels faits ne sont pas seulement des torts envers l’homme, que ce sont des crimes envers Dieu ! (Sensation prolongée)

 Voilà pourquoi je suis pénétré, voilà pourquoi je voudrais pénétrer tous ceux qui m’écoutent de la haute importance de la proposition qui vous est soumise. Ce n’est qu’un premier pas, mais il est décisif. Je voudrais que cette assemblée, majorité et minorité, n’importe, je ne connais pas, moi de majorité et de minorité en de telles questions ; je voudrais que cette assemblée n’eût qu’une seule âme pour marcher à ce grand but, à ce but magnifique, à ce but sublime, l’abolition de la misère ! (Bravo ! Applaudissements.)

Et, messieurs, je ne m’adresse pas seulement à votre générosité, je m’adresse à ce qu’il y a de plus sérieux dans le sentiment politique d’une assemblée de législateurs ! Et à ce sujet, un dernier mot : je terminerai là.
Messieurs, comme je vous le disais tout à l’heure, vous venez avec le concours de la garde nationale, de l’armée et de toutes les forces vives du pays, vous venez de raffermir l’Etat ébranlé encore une fois. Vous n’avez reculé devant aucun péril, vous n’avez hésité devant aucun devoir. Vous avez sauvé la société régulière, le gouvernement légal, les institutions, la paix publique, la civilisation même. Vous avez fait une chose considérable… Eh bien ! Vous n’avez rien fait ! (Mouvement)

Vous n’avez rien fait, j’insiste sur ce point, tant que l’ordre matériel raffermi n’a point pour base l’ordre moral consolidé ! (Très bien ! très bien ! Vive et unanime adhésion). Vous n’avez rien fait tant que le peuple souffre ! (Bravos à gauche). Vous n’avez rien fait tant qu’il y a au-dessous de vous une partie du peuple qui désespère ! Vous n’avez rien fait, tant que ceux qui sont dans la force de l’âge et qui travaillent peuvent être sans pain ! tant que ceux qui sont vieux et ont travaillé peuvent être sans asile ! tant que l’usure dévore nos campagnes, tant qu’on meurt de faim dans nos villes (Mouvement prolongé), tant qu’il n’y a pas des lois fraternelles, des lois évangéliques qui viennent de toutes parts en aide aux pauvres familles honnêtes, aux bons paysans, aux bons ouvriers, aux gens de coeur ! (Acclamations). Vous n’avez rien fait, tant que l’esprit de révolution a pour auxiliaire la souffrance publique ! Vous n’avez rien fait, rien fait, tant que dans cette oeuvre de destruction et de ténèbres, qui se continue souterrainement, l’homme méchant a pour collaborateur fatal l’homme malheureux !

Vous le voyez, Messieurs, je le répète en terminant, ce n’est pas seulement à votre générosité que je m’adresse, c’est à votre sagesse, et je vous conjure d’y réfléchir. Messieurs, songez-y, c’est l’anarchie qui ouvre des abîmes, mais c’est la misère qui les creuse. (C’est vrai ! C’est vrai !) Vous avez fait des lois contre l’anarchie, faites maintenant des lois contre la misère ! (Mouvement prolongé sur tous les bancs. – L’orateur descend de la tribune et reçoit les félicitations de ses collègues). »

 

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3 décembre 2017

Je vais écrire une grande Loi pour les sortir de la misère

https://www.pauljorion.com/blog/2017/12/03/je-vais-ecrire-une-grande-loi-pour-les-sortir-de-la-misere-par-ancestral/

 

Je vais écrire une grande Loi pour les sortir de la misère, par AncestraL

Billet invité. Ouvert aux commentaires.

Le peuple ne devrait pas avoir peur de son gouvernement.
Le gouvernement devrait avoir peur de son peuple
.

V pour Vendetta.

Les hommes ne sont naturellement, ni rois, ni grands, ni courtisans, ni riches ; tous sont nés nus et pauvres, tous sont sujets aux misères de la vie, aux chagrins, aux maux, aux besoins, aux douleurs de toute espèce, enfin tous sont condamnés à la mort.

Jean-Jacques Rousseau, Émile, ou De l’éducation (1762)

 

Le dernier billet de Marianne Oppitz me fait réagir. Que Paul Jorion décide de mettre la clé sous la porte, nous disant : « J’en ai fait assez, je me suis bougé, je veux faire autre chose, j’ai fait ce que j’ai pu, à vous d’en faire autant », m’a vachement surpris. Mais il a raison. Cela fait quasiment depuis le début de l’aventure que je suis Paul sur son Blog, au Vicomte, dans des conférences et autres réunions publiques, et puis dans ses livres. Mais c’est l’impermanence. Paul devait bien arrêter un jour ou l’autre. Reviendra-t-il ? Mais surtout : Paul verra-t-il la fin de l’humanité, ou bien celle-ci saura-t-elle se sauver d’elle-même, des robots, de l’IA et des transhumanistes ? Matrix aura-t-il raison ? Terminator aussi ? Elyseum, et tant d’autres films avant-gardistes sont-ils prophétiques ? On ne peut pas en douter. Pourquoi ? Mais parce que la science-fiction d’aujourd’hui a rattrapé la réalité ! Le « futur » a-t-il déjà eu lieu vu que l’on peut le prédire ? Plus de 15.000 scientifiques nous alertent qu’il est déjà trop tard rien qu’au niveau écosystème. Ce billet pose la question de ce que vous pouvons et devons faire. Je vais d’abord faire un détour par le sujet du nucléaire.

En septembre 2017, le 20 précisément, j’eus l’idée de consacrer un billet à ce qui serait une mise en parallèle d’un ouvrage fabuleux – Le Livre de la Paix de Bernard Benson, édité en 1980 par Fayard (si la maison d’édition voulait bien rééditer les magnifiques livres de cet auteur…) – et le discours de ce jour-là que fit Emmanuel Macron à l’ONU*. Je vais vous en parler aujourd’hui. Benson et Macron parlent de Paix, de guerres et de nucléaire, et ce sujet est chaud bouillant. Néanmoins, ce n’est pas ce que dit M. Macron au sujet du nucléaire qui est important – car il suit la « communauté internationale » à ce sujet – mais d’autres parties de son discours.

M. Macron, chef d’État, Président français du peuple français est reçu à l’ONU. Benson, scientifique, informaticien, fut reçu à l’ONU et par divers chefs d’états suite à la sortie de son livre. Leurs deux discours sont donc importants pour que l’on les invite publiquement. Néanmoins : l’action de Bernard Benson n’a pas fait changer les choses. Son avertissement en tant qu’intellectuel engagé fut écouté – mais n’a pas eu d’autres effets. Malheureusement ! Qu’en sera-t-il de celui d’Emmanuel Macron ? J’ai bien peur que tous deux aient parlé pour soulager la bonne conscience de ceux qui les ont invités – et c’est tout. Le mouvement civil qui s’occupe du nucléaire n’a réussi quoi que ce soit en la matière politiquement parlant.

Le danger du nucléaire civil est tel qu’ajouter un danger nucléaire militaire est pure folie. Néanmoins, « tout le monde » souhaite avoir de telles armes. Officiellement, c’est pour dissuader le voisin en cas de montée en température. Kim Jong-un joue avec l’arme nucléaire, car les USA jouent à faire des manœuvres militaires proches de son territoire, et cela depuis des décennies. N’imaginons même pas un conflit nucléaire entre les deux Corées, le Japon (tous trois seraient rasés) et les USA. La Chine s’en mêlerait sûrement et la partie n’en resterait pas à un niveau local…

« Ne penser qu’à nous protéger de nos voisins, c’est le chemin des armes qui conduit à la guerre. Penser à les protéger de nous-mêmes, c’est la voie du désarmement qui mène à la Paix » dit Benson page 164, et page 178, désarmer « c’était trop dangereux ! Si tout le monde œuvrait au démantèlement des systèmes de contrôle et s’évertuait à rendre ses propres armes inutilisables – pour ne pas parler de leur destruction réelle qui pouvait requérir des années – rien ne permettrait d’être assuré que tel ou tel pays n’en profiterait pas pour violer la règle et écraser tous les autres, imposant son règne ! » Ensuite, Benson donne sa solution au problème. Mais l’on voit bien qu’elle ne fut pas mise en œuvre !

Peut-on appliquer ces mêmes idées à l’IA, les robots, le transhumanisme ? Ils sont aussi dangereux que le nucléaire ! Un robot doté d’une IA, voire un commando de telles « choses » (comment les nommer ?), qui déciderait de mettre fin à la vie sur Terre, est-ce si invraisemblable ?

Alors, que dit M. Macron ce 20/09/17 ? Au sujet du nucléaire d’abord : « Le multilatéralisme peine à faire face aux défis de la prolifération nucléaire, il ne parvient pas à conjurer des menaces que nous pensions à jamais révolues et qui sont réapparues brutalement dans notre présent. Ainsi Pyongyang a franchi en le revendiquant un seuil majeur dans l’escalade militaire. La menace nous concerne tous immédiatement, existentiellement, collectivement. (…) La France refusera toute escalade et ne fermera aucune porte au dialogue, si les conditions sont réunies pour que ce dialogue soit utile à la paix. » C’est l’hôpital qui se fout de la charité. Rien n’est fait pour empêcher les états de se doter de l’arme nucléaire depuis 1945 !

Il dit ensuite que le combat contre le terrorisme – car nous sommes officiellement en guerre – passe par le militaire, mais qu’il est aussi « éducatif, culturel, moral ». Il ajoute : « La nécessité, c’est le départ pour sauver sa famille quand la guerre fait rage et que le droit international humanitaire n’est plus respecté, mais instrumentalisé, comme en Syrie dans la stratégie de violence des acteurs ; l’exil, quand les défenseurs de la liberté sont les premières cibles des pouvoirs en place. La protection des réfugiés est un devoir moral et politique dans lequel la France a décidé de jouer son rôle. » N’oublions pas que la France est un acteur de cette guerre en Syrie, et qu’elle est un des plus grands marchands d’armes au monde – car c’est ainsi que l’on exporte la démocratie, à coup de bombes et rafales de kalach’. En somme, l’attitude française c’est : « Vendons des armes au plus offrant ! Et derrière, réclamons l’arrêt de la guerre ! » Comment pourrait-on vendre des armes et demander la paix, le dialogue ? Dans quel monde vit M. Macron ?

Comme vous allez le lire, Emmanuel Macron a un plan pour sauver tout le monde (sauf de la guerre et des armes bien évidemment) : « Ensuite, c’est d’avoir des priorités claires, la première c’est d’investir dans l’éducation parce que c’est par l’éducation que nous gagnerons cette bataille contre l’obscurantisme, celle qui est aujourd’hui en train de faire basculer des pays, des régions entières, en Afrique comme au Proche et Moyen-Orient. (…) C’est une bataille essentielle que nous mènerons là, c’est celle qui consiste précisément à donner la possibilité aux jeunes filles et aux jeunes garçons de ne pas sombrer dans l’obscurantisme, de pouvoir choisir leur avenir, pas celui qui leur sera imposé par nécessité ou celui que nous leur choisirions ici dans cette salle.

La deuxième priorité c’est d’investir dans la santé, dans la lutte contre les grandes pandémies et contre la malnutrition parce qu’aucun espoir n’est permis quand on ne peut pas se former ni se soigner. Dans ce combat pour le développement nous avons aussi besoin de soutenir la place des femmes, la culture et la liberté d’expression. Partout où la place de la femme est remise en cause, bafouée, c’est le développement qui est bloqué, c’est la capacité d’une société à s’émanciper, à prendre sa juste place qui est ainsi bloquée, ce ne sont pas des sujets de société anodins, c’est un combat de civilisation profond, c’est notre combat, ce sont nos valeurs et elles ne sont pas relatives, elles sont éminemment universelles sur tous les continents, toutes les latitudes. Partout où la culture est bafouée là aussi c’est notre capacité collective à relever ces défis qui est réduite. » Mais dans quel obscurantisme nagent les « élites » ? Sont-elles suffisamment éduquées, ou ont-elles tout oublié ? Manquent-elles de « culture » ? En tous cas, vous voyez, il y a de quoi faire. L’État a du boulot pour ses citoyens. « Que faire ? » disait-on. Voilà le plan chers lecteurs !

Enfin, E. Macron parle du dérèglement climatique, dont Paul, moi et tant d’autres sont si inquiets : « L’avenir du monde c’est celui de notre planète qui est en train de se venger de la folie des hommes, la nature nous rappelle à l’ordre et nous intime d’assumer notre devoir d’humanité et de solidarité. Elle ne négociera pas, il revient à l’humanité de se défendre en la protégeant. » Il ajoute : « nous avons laissé les dérèglements du monde prendre le dessus. Nous avons traîné à régler le réchauffement climatique, à traiter des inégalités contemporaines qu’un capitalisme déréglé s’est mis à produire. Nous avons laissé des voix discordantes s’élever. Mais à chaque fois, c’est la voix du plus fort qui l’emporte à ce jeu. »

Néanmoins, les derniers paragraphes du discours d’Emmanuel Macron sont inspirants et beaux : « ne pas écouter la voix des opprimés et des victimes, c’est laisser leur malheur grandir, prospérer, jusqu’au jour où il nous frappera tous. C’est d’oublier que nous-mêmes, chacune et chacun, à un moment de notre Histoire, nous avons été ces opprimés et d’autres ont entendu nos voix. C’est oublier que notre sécurité, c’est leur sécurité, que leur vie engage la nôtre et que nous saurions restés indemnes dans un monde qui s’embrase.

Ne pas écouter ceux qui nous appellent à l’aide, c’est croire que les murs et les frontières nous protègent. Mais ce ne sont pas les murs qui nous protègent. C’est notre volonté d’agir, c’est notre volonté d’influencer le cours de l’Histoire. C’est notre refus d’accepter que l’Histoire s’écrive sans nous, pendant que nous nous croyons à l’abri. Ce qui nous protège, c’est notre souveraineté et l’exercice souverain de nos forces au service du progrès. C’est cela l’indépendance des Nations dans l’interdépendance qui est la nôtre.

Ne pas écouter ces voix, c’est croire que leur misère n’est pas la nôtre. Que nous posséderons pour toujours les biens dont ils ne pourront que rêver. Mais lorsque ce bien, c’est la planète, lorsque ce bien, c’est la paix, la justice, la liberté, pensez-vous que nous puissions en jouir seuls, dans un coin ?

Si nous ne prenons pas la défense de ces biens communs, nous serons tous balayés. Nous laissons s’enflammer des brasiers où demain l’Histoire jettera nos propres enfants. Oui, aujourd’hui encore plus qu’hier, nos biens communs, c’est aussi notre intérêt, notre sécurité, c’est aussi leur sécurité. »

Alors, Paul nous dit de nous bouger et il a raison. Marianne Oppitz dit que rien ne bougera et elle a raison. Personnellement, je vais vous avouer ce que je prépare mais qui va me prendre du temps. Ça ne parle pas de nucléaire, car je ne vois pas ce que je peux faire à ce sujet-là. Mais je peux contribuer à la paix sociale et à la solidarité, à l’humanité.

De par mon travail d’éducateur et d’agent de la Justice, je vois trop de SDF, que ce soit en prison ou en dehors. Je suis donc impliqué dans l’aide aux SDF, en tant que bénévole, à la fois dans des maraudes comme dans l’aide directe au sein d’une association pionnière, ancienne sur Lille. Et je veux faire plus. Je vais questionner les acteurs de ce réseau, comme les bénéficiaires, les SDF, qui sont aussi bien Français qu’étrangers, migrants.

Et seul, ou avec ceux que je vais trouver en chemin, je vais écrire une Loi, une grande Loi pour les sortir de la misère, de la rue et leur rendre leur dignité d’humain, et une place dans notre société. Une Loi qui abordera tous les aspects de leur condition. Je transmettrai cette Loi ensuite aux différents partis de l’Hémicycle. Je sais c’est fou, mais je vais le faire. Je créerai un blog qui sera le lieu du recueil des témoignages et enquêtes, et de l’écriture de cette Loi. Car on ne peut pas continuer ainsi. « Ce que vous ferez sera dérisoire, mais il est important de le faire » a dit Gandhi. Le Bouddha appelait notre monde du nom d’Endurance

Discours d’Emmanuel Macron devant la 72e assemblée générale des Nations-Unies.

2 juillet 2017

STOP

Refusé par Paul Jorion

 

 

 “Le problème avec ce monde est que les personnes intelligentes sont pleines de doutes tandis que les personnes stupides sont pleines de confiance.” ― Charles Bukowski

 

En 2003 est paru un ouvrage, incroyable et épais, que vous n'avez peut-être pas vu.

Il se nomme STOP, est paru au Seuil et est dirigé par Laurent de Bartillat et Simon Retallack. Aujourd'hui, on le trouve d'occasion pour quelques euros. Pour vous présenter ce pavé de 450 pages, je vous livre sa quatrième de couverture : Les catastrophes écologiques se multiplient. Nous dilapidons les ressources de la planète. La gangrène de la pollution fait chaque jour un peu plus de ravages. Les états reportent à plus tard des décisions urgentes pour la survie de nos enfants. D'énormes pressions politiques et économiques bloquent l'émergence d'un monde plus durable. Pourquoi ? Nous le savons tous, la planète est en danger ! Comment réagir ?

Les auteurs de ce livre, Laurent de Bartillat et Simon Retallack, ainsi que vingt-cinq personnalités du monde entier comme Robert Redford, Robert F. Kennedy jr, Arundhati Roy, Mikhaïl Gorbatchev, Homero Aridjis, Edgar Morin, Edward Goldsmith et Vandana Shiva... apportent des réponses et surtout des solutions claires et accessibles qui prouvent que des alternatives sont possibles. Mais le temps presse. Un texte fondamental, une documentation spectaculaire, STOP peut et doit contribuer à déclencher la prise de conscience dont le monde a besoin. Je vous invite vivement à vous procurer ce livre et à le lire. Peut-être aurez-vous des hauts-le-coeur, et ainsi vous aussi vous aurez envie de dire STOP ! De vous bouger les fesses !

 

Ca fait donc un bon paquet d'années qu'un bon paquet de gens font des S.O.S avec leurs bras, dans les livres, sur les plateaux télés, dans des reportages et documentaires, ou font des actions sur le terrain, tels Greenpeace, L214, etc. Donc des gens un peu partout sur la planète se bougent, et se bougent de plus en plus. Et en face d'eux, deux forces : l'inertie des moutons de la nation, et l'action gouvernementale pilotée par les lobbys industriels.

Qu'est-ce qui me fait écrire ce quatrième billet en deux mois ? C'est bien simple : les commentaires aux trois derniers en date : (1) (2) (3).

Hormis une poignée de commentateurs éveillés, j'y ai lu beaucoup de critique, peu constructive, faisant preuve a minima d'un je-m'en-foutisme consternant, au pire d'un obscurantisme digne des grands lavages de cerveaux. Je ne pensais pas, moi qui lit le blog de Paul Jorion, et quelques-uns de ses livres, depuis les débuts, lire un jour de telles choses sur celui-ci. Je ne les prend pas pour moi – mais ça me fait « mal à ma planète ». Or, « si l'on voit un problème et que l'on y remédie pas, on fait partie du problème », a dit Gandhi. Voilà pour la sentence.

L'humain, malgré toutes ces belles choses dont il sait faire preuve de multiples manières (je pense aux Arts et Sciences), est tout de même le cancer de la planète et le Mal incarné – peut-être Dieu n'est-il alors qu'un Démiurge gnostique, et que l'image que nous en sommes est bien réelle. Nous courrons, de par notre faute, à notre perte, et nous emmenons tout avec nous - dans une sorte de danse du Diable, dans une sorte de Chasse Sauvage ou encore comme La Faucheuse fauchant les vies sur son passage. C'est une folie vraisemblablement, et une folie assumée. Relisez certains commentaires du billet précédent : c'est assez incroyable. Je crois rêver. Ici, des gens, lorsqu'on leur donne la parole, n'ont que folie à exprimer.

Par quel satané miracle n'arrivez-vous pas à comprendre que l'urgence écologique est d'une telle gravité (lisez ceci par exemple, sur le réchauffement fou de la Méditerranée : http://www.7sur7.be/7s7/fr/1505/Monde/article/detail/3194538/2017/06/28/La-mer-n-a-jamais-ete-si-chaude-en-Espagne-et-ce-n-est-pas-une-bonne-nouvelle.dhtml) que certains parmi les plus rationnels – j'ai parlé de Stephen Hawking dans le précédent billet – nous disent : « Ouste, quittez la Terre ! ». Faut-il le faire à la Gandalf pour que ça passe mieux, quand il plonge dans les ténèbres à la suite du Balrog ? « Fuyez, pauvres fous ! »

En somme, Stephen Hawking nous disait donc qu'il faut fuir la Terre. Peut-être n'a-t-il pas dit qu'il fallait atterrir sur une autre afin de ne pas reproduire la même merde. Néanmoins, sur une planète, ou voguant dans l'espace à l'instar des humains de Wall-E dans l'Axiom pendant des siècles, on n'arrêtera pas nos conneries du jour au lendemain. Il est donc nécessaire apparemment, qu'un électrochoc saisissent comme le steak sur le grill les consciences de ceux qui se porteront volontaires pour ceux qui ne veulent pas l'être, afin de changer véritablement la mécanique sociétale, pour que de nouvelles habitudes de vie radicalement différentes s'instaurent en lieu et place des mortifères actuellement en cours.

Ok, la majorité des lecteurs du blog de Paul Jorion sont des moutons qui veulent assister en Néron à l'incendie de leur Rome décadente. Mais quand tout sera cramé, il nous restera quoi ? Le cannibalisme, comme dans le film effrayant La Route ? Néanmoins, l'on remarquera que, à part cet idiot de Trump, les autres pays signataires de l'Accord de Paris pour le Climat ont décidé de maintenir leurs engagements – ils ont donc compris. Ils vont agir. Pour le bien de tous. Ils (195 pays + UE) se positionnent donc au-dessus d'une partie du lectorat du blog.

Alors, est-ce que cela sert d'écrire de nouveaux billets sur le sujet fondamental et transpartisan de l'écologie (sans politique donc) et de l'environnement ? Si ce n'est pour obtenir des commentaires d'une si piètre qualité ? Si ce n'est que l'auteur serve alors de piñata ? Est-ce un sujet dont il ne faut pas parler ?

 

1_http://www.pauljorion.com/blog/2017/06/27/les-hommes-doivent-quitter-la-terre-de-lurgence-de-se-preoccuper-dun-depart-car-on-ne-peut-plus-sauver-la-terre-par-ancestral/

2_http://www.pauljorion.com/blog/2017/05/22/lecologie-est-un-geste-politique-sans-politique-par-ancestral/

3_http://www.pauljorion.com/blog/2017/05/12/le-vrai-pouvoir-cest-celui-de-largent-par-ancestral/

27 juin 2017

« Les Hommes doivent quitter la Terre »

http://www.pauljorion.com/blog/2017/06/27/les-hommes-doivent-quitter-la-terre-de-lurgence-de-se-preoccuper-dun-depart-car-on-ne-peut-plus-sauver-la-terre-par-ancestral/

 

« Les Hommes doivent quitter la Terre » : de l’urgence de se préoccuper d’un départ car on ne peut plus sauver la Terre, par AncestraL

Billet invité. Ouvert aux commentaires.

Pour Stephen Hawking – une « autorité scientifique » qui n’est quand même pas le Messie – les humains doivent quitter la Terre pour se préserver… d’eux-mêmes. Nous devrions l’écouter. S’il est aussi écouté, c’est qu’il y a de bonnes raisons. Nous devons quitter la terre.

En effet, non seulement on épuise, on exploite, on vit à crédit sur le compte de la planète, mais en plus on la pollue à toute vitesse, et il est indéniable que la Terre souffre, qu’elle est donc « déréglée » et donc que les événements climatiques d’importance se multiplient et s’enchaînent. La Terre est un gigantesque organisme et l’humain est son virus (pensez à Matrix !), et la maladie humaine métastase la Terre.

Désormais, on craint également les dégagements de méthane dans les profondeurs des océans ou en surface en Sibérie (et pas seulement le pergélisol). De plus, nous craignons toujours la chute d’une météorite dévastatrice, d’un tsunami qui naîtrait d’un effondrement sous-marin, ou encore l’explosion d’une caldeira. Nous ne pouvons pas nier tous ces faits. Nous devons les accepter. L’humanité a suffisamment fait de mal à son vaisseau spatial – certes qui lui survivra, car « L’humanité ne survivra pas 1.000 ans de plus sur Terre », ajoute donc encore Stephen Hawking .

Sans cesse, la NASA et d’autres nous annoncent, comme de grandes découvertes, avoir identifié des planètes potentiellement habitables… mais situées à des milliers de milliards de km de nous. Quel intérêt ? Ira-t-on ? Ferons-nous comme dans Interstellar ? Le font-ils déjà ? Nous prépare-t-on psychologiquement à une vraie rencontre, ou à déménager subitement ? À quoi bon nous faire languir alors que matériellement il est impossible de faire de tels voyages intergalactiques ? Aurait-on donc trouvé un moyen aisé de voyager dans l’espace ? Ou le Temps ? Pour Hawking, « Les trous noirs sont des portes vers des univers parallèles ».

Stephen Hawking a néanmoins encore une autre peur : que ce ne soit pas Nous qui les trouvions, mais ce que soit « Eux » qui nous trouvent : « Avec l’âge, je suis convaincu, plus que jamais, que nous ne sommes pas seuls. Après une vie consacrée à la recherche, je contribue aujourd’hui à lancer une nouvelle initiative mondiale pour connaître la vérité ». Il a peur du Premier Contact.

Cette nouvelle initiative mondiale pour aller à la recherche des E-T., se nomme « Starshot » : « elle vise à envoyer un mini-vaisseau non habité sur Alpha du Centaure. Il faudra 20 ans pour atteindre l’étoile la plus proche de notre système solaire située à 40 milliards de kilomètres (soit 4,37 années-lumière) ».

Donc, il faut quitter la Terre pour une autre, que la NASA et consorts cherchent de plus en plus activement car notre temps est compté – et seule une infime partie de l’humanité sauvera sa peau. De plus, elle devra se méfier des « autres » qu’elle trouvera en chemin. Mais si ça tombe, nous n’aurons même pas le temps de préparer notre départ : en effet, d’ici-là tous les pouvoirs seront donnés aux machines, robots, et Intelligences Artificielles. Stephen Hawking, toujours lui, a déclaré : « Je ne pense pas que le développement de l’intelligence artificielle soit forcément pour le mieux. Quand les machines auront atteint une étape critique et évolueront indépendamment », avait déjà souligné Stephen Hawking en 2016, « on ne pourra pas prédire si elles auront les mêmes objectifs que nous ».

Voilà : la technologie, c’est beau, c’est bien, on en veut toujours plus et l’on saigne la planète Terre pour elle. Le dernier téléphone qui tue ? tout le monde le veut ! du pétrole ? en veux-tu en voilà, il nous en faut toujours plus ! de l’énergie électronucléaire ? idem ! bref, on se gave, on est insatiable, on imagine que tout ce cirque va durer éternellement, et cela sans faire attention au fait que, comme on le sait, la Troisième Guerre Mondiale a déjà commencé. Et la quatrième, comme disait Einstein, se fera avec des cailloux… Mais donc, la technologie, qui n’est qu’un outil, est surtout mortifère, pour nous mais aussi la Terre. Il s’agira donc de redevenir humble, moins démiurgique, de n’en faire qu’un outil servant à l’élévation de l’humain et non à l’enterrement de celui-ci, mais surtout, elle doit nous servir à plier bagage. Vous voyez, je ne suis même plus luddiste, je pense que la technologie peut-être utile/outil et non un moyen de ravager d’une manière ou d’une autre, la Terre et/ou l’humanité. Ce qui est certain, c’est que des gens comme Hawking disent aujourd’hui : « Eh les gens, on doit se barrer, fissa ! ». Il nous faut donc lever les yeux aux ciel et réfléchir aux moyens de partir. Il nous faut user de technologie afin de quitter la Terre pour une autre. Il nous faut aussi réfléchir pour de bon à nos comportements destructeurs.

En dernier ressort, devant tout ce que nous avons pu observer des horreurs commises par l’humanité, et au regard des belles choses qu’elle a accomplies, il nous faut peser le pour et le contre : finalement, cela vaut-il la peine que l’espèce humaine survive à elle-même ? Elle a foutu par terre son vaisseau spatial terrien : sera-t-elle plus sage quand elle posera les pieds sur le prochain ? Le temps de son voyage intersidéral, ou bien plus rapidement au travers d’un trou noir, aura-t-elle acquis la sagesse nécessaire afin de ne pas reproduire ses erreurs passées ?

21 mai 2017

"Transition" et éducation écologique ?

proposé le 20.05.17 à Paul Jorion

 

C'est certain, « le salut », si on peut l'appeler comme ça, ne viendra pas d'En-Haut, qu'il soit Dieu ou homme. Nous n'avons rien à attendre d'un quelconque gouvernement, et ce depuis qu'ils se constituent en France - depuis que l'on a abolit les couronnes de leurs têtes.

Les gouvernements ne vont pas au rythme des populations qu'ils gouvernent.

Ils ne vont pas non plus au rythme des industries qui dévastent tout.

Ils ne vont pas non plus aux rythmes difficiles et impermanents que subissent les peuples.

Non le salut – celui qui nous sauvera du désastre écologique dans lequel nous sommes déjà baignés jusqu'à la taille – ne viendra que de nos mains.

« La voie démocratique » est trop lente. Ses préoccupations ne sont pas celles de l'environnement, de la biodiversité, de l'avenir de nos enfants – non, ses préoccupations sont celles de sa caste et des dirigeants : d'entreprises, de banques, de fonds financiers, et enfin des politiques.

Ce fichu salut, ce fichu défi à relever - « fichu » n'est pas fichu, mais c'est fichu car l'on nous a simplement mis devant le fait accompli du désastre – ne prendra forme que si chacun s'éveille, se réveille et modifie profondément, politiquement, durablement ses habitudes de vie et de consommation, afin de limiter au maximum son empreinte écologique sur la Terre que nous empruntons à nos enfants.

Ainsi, un à un, un par un, tous ensemble, nous devrons avancer, telle une vague, et inlassablement, comme elle, chaque jour, chaque heure, conscientiser chaque geste afin de prendre le plus grand soin de la nature, de l'environnement, de la biodiversité, de la vie animale. Il faudra par là que nous fassions, tous ensemble, plier les dirigeants - afin qu'ils changent puis fassent muter leurs modèles économiques afin de les adapter à nos nouvelles habitudes écologiques.

Car l'écologie n'a aucun partisan. L'écologie est un geste politique sans Politique. C'est un geste bienveillant de tous pour tous et pour cet avenir que nous dessinons - ou ne dessinons pas - pour nos enfants. Nous sommes éminemment responsables de cet avenir. Car « nos enfants nous accuseront ». On ne peut se dire : « après moi le déluge ». C'est inacceptable. Si vous avez une conscience morale, c'est impossible de continuer à nier le problème. Comme a dit Gandhi : « si vous voyez un problème et que vous ne le résolvez pas, alors vous faites partie du problème ». De toute façon, ce déluge, il viendra et emportera enfants et parents...

Ma fille grandit. C'est inarrêtable. Dans quelques mois, elle entrera dans cette horrible deuxième phase de « l'Education Nationale », faites d'horaires, de travaux et de « devoirs » qui formatent si bien les esprits de nos jeunes afin qu'ils se conforment aux standards de la société voulue par les dirigeants – des rythmes qu'ils retrouveront adultes lorsqu'il sera temps d'accomplir leur servitude volontaire, qui décidera ou non de leur « insertion socio-économique ».

Elle n'a pourtant que 6 ans. Einstein a dit que cette conception de l'éducation d'un enfant est anormale, que la vie ce n'est pas cela (John Lennon l'a lui aussi dit !). Je ne peux plus me croiser les bras comme tant d'innombrables français, comme tant d'occidentaux. Oui, l'on croise les bras, ce qui équivaut à les laisser pendre. Dès l'enfance, le Système produit en nous cet abandon face à cette toute puissance écrasante pour les esprits les plus malléables.

« Moi Président » (comme on peut l'entendre sur France Info), « je rémunérerai tout parent pour qu'il éduque son enfant afin qu'il réussisse, plutôt sa vie, que dans la vie ». Moi Président, j'imposerai que les parents éduquent leurs enfants dans une conscience et une éthique écologiques, afin que le plus grand soit un modèle pour l'enfant. Ainsi, en une génération, toute la population ou une grande partie de celle-ci changerait bénéfiquement ses habitudes afin qu'elles deviennent plus respectueuses de l'environnement. Certes, l'E.N. forme aujourd'hui les enfants aux gestes écologiques. Mais c'est bien faible. Il est attendu que les parents « prennent le relais », mais comment une majorité de parents s'y mettrait alors qu'eux-mêmes n'ont pas été éduqués ainsi ? Donc, sur ces enfants formés à quelques uns des gestes écologiques de base, qui en rentrant à la maison n'ont plus de modèles et doivent quelque part former leurs parents (!), combien, plus tard, éduqueront leurs propres enfants sur ce modèle reçu à l'école ? Très peu, on ne le sait malheureusement que trop bien...

Comme une idée de révolte, d'insurrection semble bien inconcevable désormais – car l'on ne sait plus se rassembler dans les rues que pour protester et manifester pacifiquement – il faut bien se résoudre à se changer soi-même, silencieusement, derrière les murs de sa maison, afin qu'à terme, les enfants et le monde changent peu à peu. Car voilà ce qui marchera : qu'un nouveau « marché économique » naisse, donc qu'un modèle économique écologique se substitue à celui des industries. Tant que les puissants s'y retrouvent financièrement parlant...ils ne diront pas non.

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11 mai 2017

Le pouvoir ? l'argent

Proposé ce 11.05.17 à Paul Jorion : http://www.pauljorion.com/blog/2017/05/12/le-vrai-pouvoir-cest-celui-de-largent-par-ancestral/

 

Nous n'en avons plus longtemps sur Terre (lisez le terrible Requiem de Philippe Soubeyrand) et nous ne sommes plus en démocratie depuis bien longtemps (lisez ce dernier billet de Stephane Gaufres : http://www.pauljorion.com/blog/2017/05/11/ce-que-veut-dire-et-ne-veut-plus-dire-democratie-par-stephane-gaufres/).

Sur ce blog et en bien d'autres endroits de France, et du monde, on discute, on dispute, et l'on combat. Mais rappelez-vous les paroles de Rousseau dans son Contrat Social : « …Le peuple anglais pense être libre, il se trompe fort : il ne l’est que durant l’élection des membres du parlement; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l’usage qu’il en fait mérite bien qu’il la perde… ».

Alors : cela vaut-il la peine de se battre pour des moulins à vent (la démocratie, comme Don Quichotte) ? Alors : que faire ? Que faire ? Car : qui détient vraiment le pouvoir ? Que permet ce pouvoir ? Comment donc le prendre ?

Donc le vrai pouvoir, c'est celui de l'argent, on le sait bien, tout se décide en fonction de celui qui achète des hommes - tout désignés par d'autres - pour aller dans le sens des donneurs d'ordres de l'ombre et et autres fournisseurs de costumes et de mallettes « blindées » de fric. L'argent des ultra-libéraux, qui façonne le monde (je recommande pour en voir toute la dimension, le magnifique ouvrage de Matthieu Auzanneau, L'Or Noir) a submergé toutes les âmes de ce monde. Toutes courent après, et non pour vivre mais pour survivre, car notre vie on nous l'a acheté – elle n'est plus à nous, nous l'avons vendu au plus offrant.

Il n'est plus possible de vivre sa vie sans argent de nos jours, à moins de se retrouver dans la Nature où la vie en fin de compte, n'est donc que cette vie intérieure qui contemple l'extérieur. Tout ce dont nous avons besoin pour vivre....s'achète. C'est ainsi que l'on nous a volé autonomie et indépendance. Or nous sommes confrontés, dans la lutte politique, à la lutte pour la reconnaissance de l'Existence, cette manifestation extérieure de nous-même. Or, « il est plus important de réussir sa vie que de réussir dans la vie ». Que voulons-nous donc ? Vivre ? Survivre ? Peut-on avoir le beurre et l'argent du beurre ? « Pendant que l'on attend de vivre, la vie passe » disait Sénèque.

Mon enfant grandit « comme un champignon ou comme un bambou !». Ce sont ses mots.

Je suis meurtris de voir comme tout ne fait qu'empirer, que son « avenir » est en jeu, qu'il se joue plus que jamais minute par minute et, souvent, j'ai honte d'être humain. Nous assistons, impuissants (rappelez-vous à ce sujet Jacques Ellul et son livre L'illusion politique), à la chute de notre société, et nous n'avons que nos yeux pour pleurer. Toute cette vie en société, citadine, tout cela s'écroule, emmenant avec elle la planète entière sur laquelle elle vit à crédit.

Et j'ai ma part de responsabilité, comme tout citoyen ! Toute consommation, toute action est un geste politique. Toute inaction devant nos maîtres est une faute. Nous, je, ne devrions pas nous laisser faire. Le vote ? Les manifs ? Nos gesticulations, cela les fait bien rire, ces patrons, ces banquiers, ces politiciens ! Nous entretenons simplement une autre version de la royauté depuis que les rois ont vu leurs têtes sauter !

Cependant nous sommes des millions à nous accrocher à ce système de servitudes. Or, avec la force du nombre, il serait facile de le mettre à terre. Et pourtant, jamais nous n'enclenchons la cinquième vitesse.

Mais encore : nous aurions peur de vivre sans système, sans organisation, sans administration.

Pourtant, nous avons tant et tant abdiqué devant tout cela que nous sommes incapable de renverser cet état de droit (à plusieurs vitesses) qui nous rigidifie.

Le peuple a été apprivoisé – voilà ce qu'a été la Constitution, la « Démocratie » qui n'en fut jamais une, de belles idées malheureusement inachevées. Nos vies sont insatisfaisantes ? Certes, mais encore trop confortables pour que l'on se sente réellement en danger.

Sincèrement, pense-t-on vraiment que par le vote l'on obtiendra gain de cause ?

Et même, imaginons-nous vraiment – car ceux qui prônent une véritable « révolution des urnes » n'ont pas gagné la présidentielle – qu'une fois au pouvoir, les clés de l'Etat en main, l'on va réellement pouvoir s'opposer au vrai Pouvoir – celui de l'argent ? Celui des banques privées et centrales, celui des financiers de tous bords, celui des multinationales ? Celui qui n'a aucune patrie et aucun visage ?

Ces faux-monnayeurs sont les responsables de cette ère anthropocène et nous avons été ses fidèles et dévoués esclaves. Tout humain est responsable, hormis les désobéissants. Nous creusons tous d'une même main notre fosse commune.

Alors - nous le savons : seul l'argent achète la vie. Nos vies dépendent d'une minorité. Qui s'endette est esclave. Devons-nous donc calculer combien vaut une vie (je crois que cela a déjà été fait) et racheter nos vies – comme ces abolitionnistes qui rachetèrent des esclaves pour les rendre libres ? Mais à qui allons-nous réellement donner cet argent ? A l'Etat ? Aux financiers, banquiers, patrons ? Qui dirigent nos vies ? Qui achète nos votes ? Que diable devons-nous faire – rapidement, instamment, le temps coule comme du sable dans nos mains – afin de prendre le pouvoir ? Et rendre la monnaie de sa pièce à qui de droit ? De quoi avons-nous peur ? « Nos vies valent plus que leurs profits » non ? « C'est comme ça, on ne peut rien y faire » ! ? Jusqu'à quand, jusqu'où devrons-nous supporter cet « enfer des pauvres dont est fait le paradis des riches » ?

La démocratie est morte et enterrée depuis belle lurette, et nous jouons aux fantômes avec elle, espérant que par-là même, nous la ferons ressusciter (toute ressemblance avec une autre histoire est fortuite). Il va donc falloir la créer pour une fois, pour de bon, et ce n'est pas en jouant le jeu du Système – mais en brisant celui-ci – que l'on réussira. Le temps de la révolte, de l'insurrection est venu.

6 janvier 2015

Nos pensées font le monde

Harold Nash de la Royal Airforce, juillet 1943, Opération Gomorrha. Survol de la ville de Hambourg. Résultat : 40’000 morts à Hammerbruck en une seule nuit ! Nash le décrit : « Nous voyions sous nos ailes un ruban noir semé de perles et nous savions: ce que nous provoquions là en dessous était pire que l’Enfer de Dante. Nous ne pouvions voir que le feu mais pas les êtres humains, sinon nous n’aurions pas pu le faire.»

 

"Quand vous vous rendez compte que, pour produire, vous avez besoin d'obtenir l'autorisation de ceux qui ne produisent rien; prouver que quand l'argent coule à ceux qui commercent avec aucun actif, mais avec des faveurs, quand on sait que plusieurs individus deviennent riches par des pots-de-vin et de l'influence, plus que pour le travail, et que les lois ne nous protègent pas d'eux, mais au contraire, ce sont eux qui sont à l'abri de vous, quand vous vous rendez compte que la corruption est récompensée et l'honnêteté devient le sacrifice de soi, alors vous pouvez dire sans crainte de vous tromper; que votre société est condamnée" Ayn RAND.

 

Nous naissons nus, nous mourrons nus. Alors, à quoi cela sert-il d'accumuler les biens obsolescents ? Pourquoi apparaissons-nous ? Que laisserons-nous après trépas ? N'allons-nous pas, chaque jour, un peu plus vers un Enfer autrefois Paradis ? Pourquoi n'arrivons-nous pas à modifier cette fuite en avant ?

Nous sommes donc nés mais beaucoup meurent avant ce premier dénouement, cette première lutte – mais qui a le plus de chance ? Et si nous savons que nous mourrons tous un jour, il nous est bien difficile d'imaginer que cela va vraiment se réaliser.

Nous aurions pu naître il y a dix mille, mille, cent ou trente ans. Mais nous en sommes là : aujourd'hui. Et nous aurions pu venir au monde n'importe où à la surface (au moins sur Terre, dans ce système solaire). Nous naissons avec telle couleur de peau, telles dimensions, tels talents, tels handicaps. Aléatoire non ? Pourquoi, de plus, ne serions-nous pas né animal ?

Nous sommes nés dans un pays, une région, sous un certain climat, en paix, en guerre, en pays prospère ou dans la misère. Nous sommes nés dans une famille bien précise, avec ses us, ses coutumes, son histoire tragique ou pas. Notre famille vient d'une plus grande famille : l'ethnie, patriote ou non. Notre fratrie est vaste, ou restreinte, ou inexistante. Notre mère est peut-être morte lors de l'accouchement. Peut-être même des frères et sœurs sont-ils déjà décédés avant notre apparition.

Notre famille est, comme l'immense majorité des êtres humains, vraisemblablement pauvre, vivant dans un confort et une hygiène très relatifs, à la dure. Sinon, c'est une chance d'atterrir dans une famille occidentale aisée, vivant dans le confort, éduquée, travaillant. Nos proches sont prévenants à notre égard, attentionnés, aimants, doux, à l'écoute – ou bien nous méprisent, nous maltraitent, nous abusent, nous négligent, nous affament, nous ignorent, nous volant à nous-même notre enfance, nos capacités de croissance et d'adaptation...

Tout cela est déjà (vraiment déjà ?) existant avant notre conception, et l'on atterrit ainsi, toujours aléatoirement, dans une famille, quelque part sur Terre.

Et ainsi l'on grandit dans ce terreau, plus ou moins correctement, et plus ou moins sainement. Certains s'en sortent sans accrocs, ou presque, tandis qu'un bon nombre connaîtront bien des déboires et un grand désenchantement.

Les chanceux connaîtront des existences historiques, mais les masses elles mourront dans leur propre oubli en premier. Nous ne sommes donc pas pour autant à l'abri de ce monde humain que l'on découvre en grandissant – ici, maintenant, cet ici-et-maintenant qui ne fait que se prolonger toute la vie – notre propre existence.

Les rencontres, les accidents, les incidents, les déceptions, les déchirements, les pertes, les maladies – beaucoup de tragique, pour peu de joies dans cette vie éminemment compliquée.

Parfois, nous mourrons même sans crier gare. Bêtement, ou « ordinairement », souvent tragiquement et parfois dramatiquement : du fait de la guerre, d'un meurtre, ou en tant que SDF et quand ce n'est pas de pollution, quel qu'elle soit.

 

Finalement, l'existence humaine est aussi légère qu'une plume et éphémère comme une bulle de savon. Telle la galaxie dans l'univers, l'être humain (et ne parlons pas des animaux !) est une poussière.

Pourtant, sur cette Terre, dans cette galaxie, à ce moment précis, une majorité de l'humanité lutte chaque jour pour sa survie, simplement (oui, nous sommes au XXIème siècle). Tandis que l'autre lutte pour obtenir et garder un emploi, un salaire, une aliénation qui lui permettra de survivre à son tour. C'est le progrès ! Certains choisissent le crime pour métier, ouvertement ou non. C'est un progrès plus raffiné pour ces esprits-là. La Morale, l'Ethique sont insipides pour ces humains.

Mais la majorité luttant directement pour trouver eau, nourriture, chauffage et toit, doit elle concentrer toute son énergie à sa survie, tandis que l'autre partie, l'occidentale, concentre son énergie à trouver ou maintenir un travail afin de gagner sa subsistance. Tous deux ont au cœur de leur existence un vide ontologique qu'elle se cache, les uns prisonniers de leur survie, les autres de leur course ou maintien de leur servitude volontaire. Bientôt même, les humains inutiles disparaîtront, car seuls les robots suffiront aux élites. L'Ici-et-Maintenant n'est finalement jamais vécu, toujours rêvé, sans cesse fantasmé.

 

Et quand bien même, dans cet univers chaotique, cruel, difficile, affolant, l'on se pose des questions quant au sens de la vie, et de son existence propre, on ne trouve aucune réponse. Il n'y a que silence, et de là, tout et rien n'a de sens, tout est imaginable, tout est possible ; rien n'est écrit – mais si l'on sait (mais pas pourquoi) quand l'on nait, l'on ne sait quand l'on meurt. Alors, le temps défile et l'on est déjà mort, ou bien l'on se décide de ralentir afin de réfléchir avant de mourir.

Aura-t-on le pouvoir de saisir l'opportunité de nous donner un sens, ou les épreuves de la vie nous auront-elles épuisés ? Il faut agir ! Sans attendre, certes ! Quelle tragédie mais quelle opportunité ! Car nos vies se consument aussi vite qu'une allumette, et pourtant l'humanité consomme, consume sa Terre aussi vite. Cette cigarette nous fournit le cancer qui va avec !

Nous gaspillons donc nos existences à nous préoccuper de concepts politiques, philosophiques, sociétaux, alors que nous ne sommes même pas préoccupés par notre bien-être intérieur et la connaissance profonde de notre être. Pourtant, dans l'espace volent d'énormes astéroïdes à des vitesses ahurissantes, capables de détruire toute espèce vivante en une seconde. Imaginons : en regardant l'espace (juste la partie observable), nous voyons le passé. Peut-être que tout ce qu'il y a dans ce passé a disparu, et nous serions ainsi ses derniers observateurs. Mais, arrogant, l'homme a encore pour lui le feu nucléaire pour tout détruire de lui-même en une seconde – il préfère se donner la mort, la distillant au plus grand nombre, jusqu'aux plus jeunes, à petits feux. Pour le dieu Argent, il est prêt à tuer chaque être vivant.

 

L'existence paraît bien futile. Les conflits politiques et géopolitiques, affaire de seulement quelques milliers de personnes dans le monde, qui décident de la vie ou de la mort des milliards d'autres, semblent puériles. Ils impactent pourtant la Vie, et l'existence de chacun tout comme les décisions des patrons, des banquiers.

Les hommes pourraient se réunir, se concerter, créer de bonnes conditions de vie égales pour tous afin que chacun se développe correctement, bénéfiquement. La prospérité est possible.

Mais l'avidité serait alors à proscrire. Seulement, l'immortalité est une idée difficile à bannir des esprits. Certains veulent même une « humanité augmentée », un transhumanisme afin de vivre plus longtemps. L'homme a la folie des grandeurs, alors que, rappelons-nous, il n'est que poussière et retournera à elle, tôt ou tard. L'humanité manque de sagesse, viciée par les idéologies dominantes des élites dominatrices occidentales. Elle est ainsi entraînée, aveugle, dans la fosse par ceux qui poussent derrière.

« Tout ce que nous sommes résulte de nos pensées. Avec nos pensées nous bâtissons notre monde » a dit Bouddha. Aux pensées de qui êtes-vous enchaîné ?

2 octobre 2014

Où est l'espoir ?

http://www.pauljorion.com/blog/2014/10/02/ou-est-lespoir-par-ancestral/

Où est l’espoir ?, par AncestraL

2 octobre 2014 par Paul Jorion |

Billet invité.

Marx a dit que qui ne connaît pas l'Histoire (encore faut-il savoir qui l'écrit) est condamné à la reproduire. M'est avis que l'humain a la mémoire très courte et qu'il adore réitérer.

Quand mes parents plongèrent dans la spirale du chômage au début des années 90 – l'usine de ma mère était délocalisée en Pologne, et l'entreprise artisanale de meubles en rotin de mon père fermait car les chinois faisaient moins cher... déjà – avec les corollaires qui vont avec (dépression, alcoolisme puis maladies, misère... ), j'ai vécu enfant une période très difficile et traumatisante.

Nous mangions à notre faim, mais les à-côtés n'existaient pas – ils partaient vite dans l'achat de boissons et les jeux de la machine à vendre du rêve aux pauvres, La Française des Jeux. J'ai déjà écris à plusieurs reprises autour de tout cela et de ce que j'en retirais donc je ne vais pas m'étendre là-dessus.

J'ai voulu m'extraire de ce qui me semblait être une fatalité – je n'ai réussi qu'à devenir un fonctionnaire (mais cela a du bon quand même). D'autant que il y a 20 ans, le fils de bourgeois qu'était mon beau-frère me répétait à l'envi : « les pauvres c'est fait pour rester pauvres, les riches pour rester riches ». Je crois qu'il n'avait pas tout à fait tort...

Hier, j'ai été faire « les courses ». Dans un supermarché « discount ». Je n'en ai pas cru mes yeux quand j'ai vu la facture : quelle augmentation ! Déjà que le magasin était vide de clients (comme souvent désormais je trouve : comment les gens font-ils pour se nourrir ?)... Je me suis alors rappelé que l'on s'était tous bien fait avoir avec l'euro : les prix ont doublé (mais pas les salaires) depuis son apparition. Nous faudra-t-il, de nouveau, des brouettes de billets pour régler nos achats ?

Et voilà de nouveau ce spectre revenir : celui de la misère.

Dans mon administration, il y a cinq corps de métier. Direction, administratif, surveillance, « social » (le mien) et technique. Le dernier est déjà délégué au privé dans de nombreux établissements (ce sont « les gestions déléguées ») et depuis une vingtaine d'années. Mais le corps social peut être privatisé, et il est question de le faire – c'est même déjà le cas « dehors » (car je travaille « dedans », en taule). Les syndicats lèvent les boucliers, fort heureusement.

Mais cette nouvelle angoisse naît...

Vais-je me protéger en restant dans le dur milieu carcéral pour me préserver de la privatisation, car cet environnement est trop sensible pour ne plus être régalien (Ah ! Ca va faire mal à l'UE quand les traités transatlantiques seront adoptés pour faire plaisir à l'Empire!) ? Ou vais-je devoir être reconverti, ou chasser de mon poste quand la Troïka pointera la bout de son nez ?

Où est l'Espoir ?

Vers quoi, vers où nous dirige-t-on ? Où est l'abattoir ?

Vais-je retourner dans la misère ?

Quand les gens n'auront plus les moyens de se nourrir, mourront-ils, ou se révolteront-ils ? (ne vous étonnez pas que notre monde devienne plus violent – je vous assure qu'il le devient, je le vois tous les jours et mes collègues sont aussi effarés et démoralisés que moi)

La guerre civile aura-t-elle lieu, ou sera-t-on réprimé avant de pouvoir lever le petit doigt ?

Les Chrétiens pensent que l'Enfer est destiné à ceux qui se conduisent mal, et que c'est un endroit horrible peuplé de démons. Je crois qu'ils se trompent, que l'Enfer est déjà sur Terre, et que nous tous payons de nos actions passées.

14 septembre 2014

Ici et maintenant

Hier soir je discutais avec ma compagne. Je lui disais que j'étais préoccupé par ce que nous vivions tous actuellement et que cela faisait longtemps, vingt ans, que j'étais préoccupé par les actions nuisibles de l'humanité. Je suis préoccupé par l'avenir qu'auront mes enfants.

Elle me dit alors qu'elle aussi, avant, elle l'était autrement mais que depuis le diagnostic de sa maladie - qui l'empêche de vivre comme tout le monde si elle laisse celle-ci dicter ses lois, elle avait décidé de lâcher le JT de TF1 pour s'intéresser à elle et devenir égoïste. « De toute façon, je voulais changer le monde, mais c'est impossible. On veut tous le faire et on sait que c'est impossible. Je vis au jour le jour. Nous mourrons tous sous les bombes ou un truc de ce genre, on le sait aussi. On n'a que ce que l'on mérite ».

Je partage l'opinion de ma compagne, mais ce qui me différencie d'elle, c'est que j'ai l'envie (mais l'envie doit se transformer en action) de me battre pour que la Terre soit plus habitable, moins sale et moins Big Brother – ou que nous soyons sans cesse menacés par les bombes des uns et des autres.

Vivre au jour le jour, c'est vivre ici et maintenant et exactement dans l'esprit du Zen Soto. C'est un lâcher-prise, et une confiance dans le cours des événements – une confiance en l'avenir, tout en n'étant pas inconscient des dangers de l'existence. On attend de voir. On attend le Déluge, ou le Messie pour d'autres. Les bouddhistes tibétains ont dans leur doctrine un précept : celui de se détacher du monde, car s'en préoccuper, c'est en souffrir, car on s'attache à quelque chose, donc on souffre.

Je crois qu'énormément de gens vivent ainsi, au jour le jour, ici et maintenant. Pour la simple et bonne raison que le pouvoir a été volé au Peuple et que celui-ci n'a plus de prise sur des députés, sénateurs et ministres achetés par les lobbies et sans plus aucune crédibilité auprès du peuple dont ils se fichent éperdument. Nous ne vivons plus en démocratie, tenez-le vous pour acquis. Il nous faudrait, déjà, un système de vote au suffrage universel direct, ce serait le minimum, et la réécriture de la Constitution : mais tout cela est-il possible ? C'est donc le métro-boulot-dodo pour les plus chanceux, et le grand inconnu, ou presque, pour tout les autres – et que l'on soit demandeur d'emploi ou employé, ce qui nous attend tous, c'est de ne plus servir à rien, car nous serons remplacés par des machines, des robots.

Moralement parlant, les lecteurs du blog de Paul Jorion ne peuvent se résoudre à regarder les choses en se croisant les bras et en soupirant. Il faut au minimum gueuler, se faire entendre. C'est l'opinion de Paul – et d'ailleurs c'est pour cette raison que j'écris aussi quelques billets sur son blog. Quand je pense à mon enfant, je me dis que non, je ne peux pas. Je dois agir, faire quelque chose, pour que ma responsabilité de parent et de « citoyen » (pardonnez-moi mon sardonisme de désillusionné) ait servi à mon enfant et son avenir.

Même si je sais que l'Avenir risque bel et bien ne pas être rose du tout, je me dois d'y croire un peu, quand même, et de faire quelque chose, un peu, à la hauteur de mes forces et de mon courage (et c'est dingue de se dire cela : cela ne devrait pas être dit ainsi, mais c'est ainsi, nous ne sommes pas égaux, nous devons nous liguer, le peuple doit se constituer en classe, en masse contre une poignée de costumes-cravates pour obtenir ce qu'il souhaite – c'est dingue non ?) pour que mon enfant ait une issue, pour qu'il ait, lui aussi, l'espoir d'un avenir meilleur. Je me dois, également, de lui montrer l'exemple d'une conduite correcte, afin qu'il la reproduise et la donne également en exemple – et qu'ainsi le karma se répande. On se doit d'être la meilleure version de nous-même.

« Faire tout ce qui est en notre pouvoir pour soulager ces tourments »

Des êtres meurent alors qu’ils viennent à peine de naître, d’autres alors qu’ils viennent à peine d’enfanter. A chaque seconde, des êtres sont assassinés, torturés, battus, mutilés, séparés de leurs proches. D’autres sont abandonnés, trompés, expulsés, rejetés. Les uns tuent les autres par haine, cupidité, ignorance, arrivisme, orgueil ou jalousie. Des mères perdent leurs enfants, des enfants perdent leurs parents. Les malades se succèdent sans fin dans les hôpitaux.
Certains souffrent sans espoir d’être soignés, d’autres sont soignés sans espoir d’être guéris. Les mourants endurent leur agonie, et les survivants leur deuil. Certains meurent de faim, de froid, d’épuisement, d’autres sont calcinés par le feu, écrasés par des rochers ou emportés par les eaux.
Ce n’est pas seulement vrai des êtres humains. Les animaux s’entre-dévorent dans les forêts, les savanes, les océans ou le ciel. A chaque instant, des dizaines de milliers d’entre eux sont tués par les hommes, déchiquetés pour être mis en boîte. D’autres endurent d’interminables tourments sous la domination de leur propriétaire, portant de lourdes charges, enchaînés leur vie entière, chassés, pêchés, piégés dans des dents de fer, étranglés dans des rets, étouffés dans des nasses, suppliciés pour leur chair, leur musc, leur ivoire, leurs os, leur fourrure, leur peau, jetés vivants dans l’eau bouillante ou écorchés vifs.
Il ne s’agit pas de simples mots, mais d’une réalité qui fait partie intégrante de notre quotidien: la mort, la nature éphémère de toute chose et la souffrance. Bien que l’on puisse se sentir submergés, impuissants devant tant de douleur, vouloir s’en détourner ne serait qu’indifférence ou lâcheté. Il nous incombe d’être intimement concernés, en pensées et en actes, et de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour soulager ces tourments. »

Matthieu RICARD, Plaidoyer pour le bonheur – Chapitre 5 – L’alchimie de la souffrance

C'est dans ces quelques lignes que se résume ma vie sur Terre, ma conduite, éthique, envers toute forme de vie. C'est ma tâche principale. Si chacun faisait un peu de cela chaque jour, le monde ne pourrait qu'aller mieux, car chacun ouvrirait sa conscience, son cœur et chacun deviendrait un modèle pour son voisin.

Il est certain que nos existences sont ballottées dans un maelström tel, qu'il est délicat et difficile d'y voir clair, et que nous ne pouvons plus que soit regarder cela grossièrement, soit demander et prendre l'avis de spécialistes, donc de se faire une idée d'ensemble une fois toutes ces « tranches », ces expertises, toutes rassemblées. Par où commencer ?

Je l'ai maintes fois dis ici. Il faut franchir la barrière - mais sans l'appui de la CIA.

Il n'y aura pas de réformes – car même un Hollande croit dur comme fer qu'il a raison et ne veut rien entendre, quand bien même il est dans les abysses. Et quand il y a réforme, les politiciens attendent toujours que ce soit les lobbies qui écrivent le texte qu'ils n'ont plus qu'à signer, après avoir tourner le regard vers ceux qui financent ET empochent l'argent pour demander leur approbation.

Si je n'avais pas mon enfant, il y a bien longtemps que j'aurais risqué « le tout pour le tout » comme je l'ai dis dans un précédent billet. « Risquons tout » ! L'homme ne sait quasiment faire que cela : la guerre. Les hommes de pouvoir, comment conquièrent-ils ? Par la corruption et la guerre, l'invasion, la mise sous coupe. Vous voulez autre chose que faire la guerre, mais moi aussi ! Mais que nous réserve-t-on à votre avis ? M'enverra-t-on un jour sur le front un fusil à la main ?

Alors : ici et maintenant, comment voulez-vous vivre ? Prenez-vous la pilule bleue, ou la rouge ? Que va décider Néo ? Que va-t-il faire, et pourquoi ?

25 août 2014

Shadowrun, c’est maintenant, par AncestraL

http://www.pauljorion.com/blog/2014/08/25/shadowrun-cest-maintenant-par-ancestral/#more-68362

25 août 2014 par Paul Jorion

Billet invité. Réaction à l’article d’Evgeny Morozov : La prise de pouvoir des données et la mort de la politique.

D’emblée je vous demande de me pardonner, mais je vais employer des images fortes dans ce billet par besoin de secouer les puces des lecteurs de ce blog.

 

Depuis vingt ans, une pensée m’accompagne : celle de vivre dans un jeu de rôle, du style de ceux que je pratiquais alors, les « JDR sur table » nés avec Dungeon-and-Dragons. Et ce n’est pas un « délire » : ce sont les événements extérieurs qui me font penser cela et permettent la similitude.

Personnellement, ma préférence en JDR allait pour Shadowrun, un univers « cyberpunk » des années 2050 situé à Seattle, un « futur dystopique proche » où la haute technologie, la magie et le fantastique se côtoient, où l’on joue un « shadowrunner » qui exécute des missions risquées « dans les ombres » pour une Corporation, contre une autre bien souvent, via un « Mr Johnson » fournissant les contrats, un costume-cravate anonyme comme il en existe des armées. Dans ce monde, le transhumanisme est omniprésent, tout comme la cybertechnologie, l’internet matriciel, les drones, la haute surveillance, la génétique, etc.

C’est un jeu dont la première édition fut publiée au USA fin 89…

Tout ce dont on parle dans ce blog depuis un mois, voire depuis que Snowden a parlé, eh bien, les auteurs de Shadowrun l’ont imaginé depuis belle lurette. Cela me réjouit et me fait peur en même temps de voir tout cela se réaliser…

On parle ici beaucoup de robots en ce moment. Or l’Occident n’est plus vraiment industriel. L’Occident a tout délégué à l’Asie pour ses produits manufacturés (ce qui a fait dire crûment à un milliardaire chinois « vous avez voulu de la merde, on vous en donne »). L’Occident d’aujourd’hui n’est plus intéressé par le fait que ses ouvriers consomment le fruit de ses efforts. Son but, c’est de se remplir les poches en vidant celles des autres.

L’Occident des banquiers, des multinationales est donc intéressé par le fait que les consommateurs d’aujourd’hui (ses ouvriers au chômage) consomment des services et des gadgets – même si on les pressure de taxes et d’impôts sans réfléchir qu’ainsi, ils ne pourront même plus consommer… Tout va se gripper, mais il est tellement grisant de foncer dans le mur en se prenant pour le roi du monde…

Ainsi, l’Occident des milliardaires fait produire à bas coût ailleurs et revend très cher… en Occident, où il se fait des marges monstre qu’il est sûr de rentabiliser, du simple fait que ses produits ont une vie courte et que les consommateurs les rachèteront à coup sûr, et plusieurs fois d’affilée – car les produits durables leur sont trop chers… Les robots, ce sont de bons outils se rentabilisation pour gonfler les marges. Alors quoi ?

Vous avez peur des robots qui nous prennent notre « travail », voire notre humanité ?

On attribue beaucoup de valeur au travail, pour la simple et bonne raison qu’il offre un relatif confort, au présent, comme pour l’avenir car il permet de se projeter. Pour beaucoup même, les gens  font de leur travail leur vie : il donne un sens ; le travail comble un vide ontologique sans quoi, à quoi bon se lever le matin ? Cette idée-là me fait peur…

Le travail a aussi une valeur sociétale, car qui travaille est « inséré » et a lui-même une valeur. Le travailleur se donne de la valeur par rapport à ceux qui ne savent se vendre, qui n’ont pas ce que d’autres « supérieurs » attendent. « Prostituez-vous ! » qu’il disait !

Le travail valorise donc – même si l’on est payé des clopinettes tandis que les patrons gagnent 500 fois mon salaire… C’est dingue non ? Tant de paradoxes et malgré tout, malgré les souffrances et les injustices qu’il élabore, le travail est recherché et l’on se bat pour lui.

On perd sa vie à la gagner.

On vend sa dignité pour la garder… Bizarre ! Et très triste.

Donc voilà, des humains fabriquent des robots pour qu’ils nous remplacent dans bien des tâches (lire La Survie de l’Espèce !). Les robots sont moins nombreux et font aussi bien que beaucoup plus d’humains. Et tous ces humains ne pourront pas payer pour être servis par les robots. C’est triste aussi.

 

Quand j’étais ado, je regardais souvent le film Predator (et Total Recall aussi…)

Il y a une réplique culte au début du film, qui résume bien ce que l’on vit depuis 30 ans :

Dutch : J’vois qu’t’as bien changé Dillon. Jusqu’ici moi j’avais confiance en toi.

Dillon : Je m’suis réveillé, fais en autant. Dutch tu es utile comme un outil qu’on peut jeter après usage, alors j’ai utilisé cet outil au mieux de nos intérêts !

Dutch : J’suis pas un outil qu’on met à la ferraille, et déteste ce genre de boulot !

Dutch, c’est le mercenaire – l’ouvrier, l’employé…

Dillon, le patron ou le type de la Troïka.

Le soldat s’use tandis que l’autre joue aux échecs avec sa chair à canon… sans trop de risque.

 

Non seulement, il n’y a « nulle part où se cacher » comme l’a résumé Glenn Greenwald, mais nous nous dirigeons, à toute allure et dans un silence presque assourdissant – celui accompagnant l’effondrement – vers une société hyper surveillée et hyper technologique comme Evgeny Morozov en parle… D’abord ludique et rassurante puis effrayante ensuite.

L’électronique de pointe, les technologies numériques et l’internet, ce triumvirat sans humanité prendra un jour le contrôle de l’Humanité. « Globalia » est notre futur. Le travail deviendra une chose, vous le verrez bientôt, assez secondaire une fois que nous serons tous sous contrôle.

D’ailleurs, une fois sélectionnés et mis sous cloche les meilleurs des travailleurs, que deviendront les masses, pauvres et non rentables ?

Attendez-vous d’être effrayés pour de bon, ou mis devant le fait accompli, comme toujours ?

Nous fonçons donc vers une société, n’en doutons pas, où le moindre faux pas sera puni et sévèrement car la perfection est attendue et exigée…

Un univers où ceux croyant savoir et se croyant de bonne morale se mettront en tête qu’ils ont eux seuls les compétences – et les armes – pour « gendarmiser » le monde – si vous voyez de qui je parle. Huxley et Orwell en ont bien parlé, nous ont avertis. Et pourtant…. À l’heure même qu’il est, écrire sur un blog comme celui de Paul Jorion, c’est se dévoiler comme Dissident – ainsi nous sommes, pour sûr, fichés et surveillés. On ne sait jamais : nous sommes peut-être dangereux !

N’oubliez pas que nous avons, toujours, des années de retard sur le Politique et le Militaire. Car ils écrivent les scénarii que nous vivons, sans quoi ils ne sauraient nous prévoir. Et si nous nous mettions à nous révolter, ils ont déjà mis en place les moyens de nous la faire fermer – comme l’a démontré Nafeez Ahmed. Ils sont malins et prévoyants. Tout doit leur être sous contrôle. Ils ont peur de l’incontrôlable – sauf si le Chaos est sous leur Ordre bien entendu.

Alors, finalement, que voit-on à l’horizon ?

Eh bien, quelque chose qui ne sera pas aussi fantastique que le monde de Shadowrun.

Les puissants nous dessinent depuis longtemps avec leurs ingénieurs, et on ne le voit que maintenant, un monde calculé, hyper calculé, hyper surveillé, hyper technologique, où chacun sera jaugé et classé. Du bétail. Des numéros nous serons. Des consommateurs jetables comme des outils nous sommes déjà. Si vous regardez bien attentivement, tout cela est en fait déjà en place.

Quiconque donc, ne sera pas AVEC le gouvernement, donc avec les multinationales, sera contre eux et potentiellement, sera dangereux pour eux et prétendument pour tout ceux qui sont « du bon côté »…

C’est une réalité. La fuir en rêvant, en glosant, en « réfléchissant », ne nous mènera à rien.

Certains hackers agissent – ils luttent numériquement.

La consommation numérique est une chaîne à nos cous, et les hackers essaient de la briser.

C’est une voie à mon avis tout à fait légitime, de « Lone Wolves » qui doivent lutter contre un Système tout entier qui n’accepte pas les réformes de type démocratique.

Dans Shadowrun, il y a une tripotée de héros à incarner, qui se battent à coups de drones, ou d’attaques dans la Matrice (ou comme Wolverine avec des griffes d’acier greffées, mais c’est moins plausible je crois). Peut-être y viendra-t-on. La Science-Fiction est de plus en plus moins loin de nous, voire déjà là, voire même nous dépasse-t-elle déjà (bien souvent en fait) car nous avons du mal à croire (notre esprit est encore trop fermé) que cela soit si rapidement possible.

L’article d’Evgeny Morozov illustre le fait que des start-up comme des géants de la technologie vont exploiter la moindre de nos données – en équipant absolument tout de capteurs – afin d’améliorer ou de sur-augmenter nos existences (pour ceux qui en auront les moyens n’est-ce pas). La politique n’aura qu’à puiser dedans pour orienter nos vies – ou les rectifier à sa convenance ! Et la politique politicienne pourra s’appuyer sur le « programme politique » de « la réglementation algorithmique ». L’homéostat agit comme un virus à l’ancienne. Hyperadapté.

En vérité, comme la technologie, le Technologique (comme si l’on parlait d’Humanité) semble bien parti pour dominer cette dernière. Elle dominera même les politiciens. Les seuls qui auront encore du pouvoir sont ceux qui l’ont pris aujourd’hui : ingénieurs, patrons et financiers. Voilà les ennemis du genre humain. Car comme dit l’auteur de l’article au beau milieu de celui-ci « une politique sans politique ne signifie pas une politique sans contrôle ou administration » : on voit que les riches ont déjà vidé de tout sens l’action de leurs marionnettes…

Si les politiciens n’ont plus de pouvoir sur le Technologique, et les peuples encore moins, où allons-nous ?

 

***

 

La prise de pouvoir des données et la mort de la politique, par Evgeny Morozov

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25 août 2014 par Paul Jorion | Print La prise de pouvoir des données et la mort de la politique, par Evgeny Morozov

Publié dans The Observer, le 20 juillet 2013. Merci à Guy Weets pour la traduction. Ce texte qui me semble crucial est ouvert aux commentaires.

Les pionniers de la technologie aux États-Unis préconisent une nouvelle approche de la gouvernance basée sur les données – « La réglementation algorithmique ». Mais si la technologie apporte des réponses aux problèmes de société, quel impact pour les gouvernements ?

Le 24 août 1965 Gloria Placente, une résidente de 34 ans du Queens, New York, roulait vers Orchard Beach dans le Bronx. Vêtue d’un short et de lunettes de soleil, cette maîtresse de maison était impatiente de passer quelques heures tranquilles à la plage. Mais au moment où elle a traversé le pont Willis Avenue dans sa Chevrolet Corvair, Placente a été entourée par une douzaine de patrouilleurs. Il y avait aussi 125 journalistes, avides d’assister au lancement de l’opération CORRAL de la police de New York – un acronyme signifiant Computer Oriented Retrieval of Auto Larcenists, soit recherche assistée par ordinateurs de voleurs de voitures.

Quinze mois plus tôt, Placente avait brûlé un feu rouge et négligé de répondre à la citation à comparaître, une infraction que CORRAL allait punir avec une forte dose techno-kafkaïenne. CORRAL travaille comme suit : une voiture de police stationnée à une extrémité du pont communique par radio les plaques des voitures venant en sens inverse à un opérateur à distance, qui les introduit dans un ordinateur Univac 490, un jouet cher $ 500,000 (3,5 millions $ en dollars d’aujourd’hui) prêté par la Sperry Rand Corporation. L’ordinateur compare les numéros avec ceux d’une base de données de 110 000 voitures qui ont été soit volées soit ayant appartenu à des délinquants connus. Dans le cas d’identification, l’opérateur alerte une seconde voiture de patrouille à l’autre sortie du pont. L’opération prend, en moyenne, seulement sept secondes.

Par rapport à la vitesse impressionnante des outils de la police d’aujourd’hui – la reconnaissance automatique de plaques d’immatriculation, les caméras de vidéosurveillance, les pisteurs GPS, l’opération CORRAL semble un rien démodée vu les possibilités de contrôle en développement. Les responsables européens ont même envisagé d’exiger que tous les véhicules entrant sur le marché européen disposent d’un mécanisme intégré qui permette à la police d’arrêter les véhicules à distance. S’exprimant sur ce sujet, Jim Farley, un haut dirigeant de Ford, a reconnu que « Nous savons tous qui enfreint la loi, nous savons quand vous le faites. Nous avons un GPS dans votre voiture, nous savons donc ce que vous faites. Au fait, nous ne fournissons pas les données à n’importe qui. » Ces affirmations ne sonnant pas très rassurantes, Farley est revenu sur ses propos.

Comme les voitures et les routes deviennent « intelligentes », elles comportent la promesse d’une application presque parfaite de la loi en temps réel. Au lieu d’attendre que les conducteurs enfreignent la loi, les autorités peuvent tout simplement empêcher le crime. Ainsi, un tronçon de 50 miles de l’A14 entre Felixstowe et Rugby (Royaume-Uni) doit être équipé de nombreux capteurs qui surveillent la circulation en envoyant des signaux vers et à partir des téléphones mobiles dans les véhicules en mouvement. Le régulateur des télécommunications Ofcom prévoit que les routes intelligentes connectées à un système de circulation centralisé pourraient imposer automatiquement des limites de vitesse variables pour lisser le flux du trafic, mais aussi pour diriger les voitures « le long des itinéraires déviés pour éviter les bouchons et même [gérer] leur vitesse ».

Autres gadgets – des smartphones à lunettes intelligentes – promettent encore plus de sûreté et de sécurité. En Avril, Apple a breveté une technologie qui active des capteurs à l’intérieur du smartphone pour analyser si la voiture est en mouvement et si la personne qui utilise le téléphone est au volant ; si les deux conditions sont remplies, il bloque tout simplement les fonctionnalités de SMS du téléphone. Intel et Ford travaillent sur le projet Mobil – un système de reconnaissance facial qui, s’il ne reconnaît pas le visage du conducteur, non seulement empêche la voiture de démarrer, mais aussi envoie la photo au propriétaire de la voiture (une mauvaise nouvelle pour les adolescents).

La voiture est emblématique des transformations dans de nombreux autres domaines. Des environnements intelligents appelés « Ambient Assisted Living » où les tapis et murs sont capables de détecter que quelqu’un est tombé, à différents schémas directeurs de « ville intelligente », où les services municipaux envoient des ressources uniquement aux zones qui en ont besoin. Grâce aux capteurs et à Internet, les objets du quotidien les plus banals ont acquis un pouvoir énorme de réglementation de notre comportement. Même les toilettes publiques sont mûres pour l’optimisation à base de capteurs : « Safeguard Germ Alarm » est un distributeur de savon intelligent développé par Procter & Gamble et utilisé dans certaines toilettes publiques aux Philippines, il possède des capteurs de surveillance des portes de chaque toilette. Une fois que vous quittez la toilette, l’alarme se met à sonner – et ne peut être arrêtée que par une simple pression sur le bouton distributeur de savon.

Dans ce contexte, le dernier plan de Google pour pousser son système d’exploitation Android sur les montres intelligentes, les voitures intelligentes, et les thermostats intelligents, on l’aura compris tout ce qui peut recevoir le qualificatif « intelligent », semble plutôt inquiétant. Ainsi dans un avenir proche, Google sera l’intermédiaire entre vous et votre réfrigérateur, vous et votre voiture, vous et votre poubelle, permettra aux Agences nationales de sécurité de s’acquitter de leur addiction aux données en vrac et via un point d’accès unique.

Cette « smartification » de la vie quotidienne suit un schéma familier : on y trouvera des données primaires – une liste de ce qui est dans votre réfrigérateur intelligent et votre poubelle – et leurs métadonnées (données sur les données) – un journal vous dira combien de fois vous avez ouvert l’un ou l’autre de ces objets – quand ils communiquent entre eux. Cela peut parfois produire des idées intéressantes: comme par exemple les matelas intelligents – un modèle récent permet de suivre la respiration et le rythme cardiaque et enregistrer tous vous mouvements pendant la nuit – les ustensiles intelligents qui fournissent des conseils nutritionnels.

En plus de rendre nos vies plus efficaces, ce monde intelligent nous met devant un choix politique intéressant. Si tant d’éléments de notre comportement quotidien sont déjà capturés, analysés, pourquoi s’en tenir à des approches non-empiriques de la réglementation ? Pourquoi s’appuyer sur les lois quand on a des capteurs et des mécanismes de rétroaction ? Si les interventions politiques doivent être – pour utiliser les mots à la mode du jour – « factuelles » et « axées sur les résultats », la technologie n’est-elle pas là pour nous aider?

Ce nouveau type de gouvernance a un nom : la réglementation algorithmique. Dans la mesure où la Silicon Valley a un programme politique, c’est bien celui-ci. Tim O’Reilly, un éditeur influent, un capital-risqueur et un homme d’idées (c’est lui qui a popularisé le terme « web 2.0 ») en est le promoteur le plus enthousiaste. Dans un essai récent ou il explique son raisonnement, O’Reilly analyse les vertus supposées de la « réglementation algorithmique » – il fait un examen approfondi à la fois de ce qu’elle peut offrir aux décideurs et présente ses hypothèses simplistes de la politique, de la démocratie et de l’autorité.

Pour imaginer comment la réglementation algorithmique pourrait fonctionner, ne cherchez pas plus loin que le filtre anti-spam de votre boîte email. Au lieu de se limiter à une définition étroite du spam, le filtre de messagerie apprend de ses utilisateurs. Même Google est incapable d’écrire des règles pour couvrir toutes les innovations ingénieuses de spammeurs. Ce qu’il peut faire, cependant, c’est enseigner au système ce qui fait une bonne règle et comment repérer quand il est temps d’en trouver une autre – et ainsi de suite. Un algorithme peut le faire, mais c’est la rétroaction (le retour d’expérience) en temps réel des utilisateurs qui permet au système de contrer des menaces qui n’ont pas été envisagées par les concepteurs. Et il ne s’agit pas que du spam : votre banque utilise des méthodes similaires pour repérer la fraude de carte de crédit.

Dans son essai, O’Reilly tire de larges enseignements philosophiques de ces technologies, en faisant valoir que cela fonctionne parce qu’elles reposent sur « une connaissance approfondie du résultat souhaité » (spam est mauvais !) Et de vérifier périodiquement si les algorithmes travaillent effectivement comme prévu (de trop nombreux courriels légitimes ne se retrouvent-ils pas marqués comme spam ?).

O’Reilly présente ces technologies comme innovantes et uniques – après tout nous vivons une révolution numérique – mais le principe qui sous-tend la « réglementation algorithmique » semblerait familier aux fondateurs de la cybernétique – une discipline dont le nom (qui étymologiquement signifie « la science de la gouvernance ») signale les hautes ambitions réglementaires. Le principe, qui permet au système de maintenir sa stabilité en apprenant constamment et en s’adaptant à l’évolution des situations, c’est ce que le psychiatre britannique Ross Ashby, l’un des pères fondateurs de la cybernétique, appela « ultra-stabilité ».

Pour l’illustrer, Ashby a conçu l’homéostat, un dispositif intelligent composé de quatre unités interconnectées de contrôle de bombes de la RAF – de mystérieuses boîtes noires avec beaucoup de boutons et de commutateurs sensibles aux fluctuations de tension. Si une unité cesse de fonctionner correctement – par exemple, en raison d’une perturbation externe inattendue – les trois autres sauraient se recâbler et se regrouper pour compenser le mauvais fonctionnement de façon à maintenir stable la production globale du système.

L’homéostat d’Ashby atteint « l’ultra-stabilité » en surveillant toujours son état interne et en redéployant intelligemment ses ressources en réserve.

Comme dans le cas du filtre de spam, il n’est pas nécessaire de spécifier toutes les perturbations possibles – pas plus que les conditions de comment et quand il doit être mis à jour et remodelé. Ce n’est pas une simple évolution de la façon dont les systèmes techniques habituels fonctionnent, avec leurs règles rigides, (les règles IF… THEN…).Il n’est soudain plus nécessaire d’élaborer des procédures pour gérer toutes les éventualités. On espère donc que les algorithmes munis d’une rétroaction en temps réel peuvent faire un meilleur travail que des règles inflexibles en inévitable décalage avec la réalité.

La réglementation algorithmique pourrait certainement rendre l’application des lois existantes plus efficaces. Si l’on peut lutter contre la fraude de carte de crédit, pourquoi pas la fraude fiscale ? Les fonctionnaires de l’administration italienne ont expérimenté le Redditometro, ou mesure du revenu, un outil qui permet de comparer les habitudes de dépenss des gens – enregistrées grâce à une vieille loi italienne – avec leurs revenus déclarés, ainsi les autorités savent quand vous dépensez plus que vous gagnez. L’Espagne a exprimé son intérêt pour un outil similaire.

Ces systèmes sont cependant impuissants face aux vrais coupables de fraude fiscale – les familles super-riches qui profitent de différents régimes, de la délocalisation ou tout simplement font inscrire des exonérations fiscales scandaleuses dans la loi. La réglementation algorithmique est parfaite pour faire respecter l’austérité à l’ordre du jour tout en laissant les responsables de la crise financière non inquiétés. Pour comprendre si ces systèmes fonctionnent comme prévu, nous devons modifier la question de O’Reilly : pour qui travaillent-ils ? Si c’est juste pour que les ploutocrates puissent éluder l’impôt, pour les institutions financières internationales intéressées dans les budgets nationaux équilibrés et pour les entreprises qui développent des logiciels de suivi de revenu, alors ce ne sera pas vraiment un succès démocratique.

Porté par sa conviction que la réglementation algorithmique est basée sur « une connaissance approfondie des résultats escomptés », O’Reilly déconnecte habilement les moyens de faire de la politique des objectifs politiques. Mais la mise en œuvre d’une politique est aussi importante que la politique elle-même – en fait, l’une façonne souvent l’autre. Tout le monde est d’accord que l’éducation, la santé et la sécurité sont tous des « résultats souhaités », mais comment les atteindre ? Dans le passé, lorsque nous avons été confrontés au choix politique difficile de les délivrer soit par le marché soit par l’État, les lignes du débat idéologique étaient claires. Aujourd’hui, lorsque le choix qui se pose est entre le numérique et l’analogique ou entre une approche dynamique (avec prise en compte régulière des retours d’information) ou statique de la loi, la clarté idéologique a disparu. Comme si le choix même de la façon de réaliser ces « résultats souhaités » était apolitique et qu’on n’était pas forcé de choisir entre des visions différentes et souvent incompatibles de la vie en commun.

En supposant que le monde utopique des boucles de rétroaction infinies devienne si efficace qu’il transcende la politique, les partisans de la réglementation algorithmique tombent dans le même piège que les technocrates du passé. Oui, ces systèmes sont terriblement efficaces – de la même manière que Singapour est terriblement efficace (O’Reilly, sans surprise, fait l’éloge de Singapour pour son adoption de la réglementation algorithmique). Et tandis que les dirigeants de Singapour pourraient croire que, eux aussi, ils ont transcendé la politique, cela ne signifie pas que leur régime ne peut pas être évalué à l’extérieur du discours de l’efficacité et de l’innovation en utilisant des critères politiques plutôt qu’économiques.

Comme la Silicon Valley ne cesse de corrompre notre langue avec sa glorification sans fin de percées technologiques et d’efficacité – concepts en contradiction avec le vocabulaire de la démocratie – notre capacité à remettre en question le « comment » de la politique se retrouve affaiblie. La réponse par défaut de la Silicon Valley à ce qu’est la politique est ce que j’appelle le « solutionnisme »: les problèmes doivent être traités via des applications, des capteurs, et des boucles de rétroaction – tous fournis par les startups. Plus tôt cette année, Eric Schmidt de Google a même promis que les startups seraient la solution au problème de l’inégalité économique : celle-ci, semble-t-il, peut également être « perturbée » donc susceptible d’innovation. Les innovateurs montrent le chemin, les fonctionnaires suivent.

Les services de renseignement ont adopté le « solutionnisme » avant d’autres organismes gouvernementaux. Ainsi, ils ont réduit le thème du terrorisme d’un sujet qui a un lien avec l’histoire et la politique étrangère à un problème d’information de l’identification des menaces terroristes émergentes via une surveillance constante. Ils ont exhorté les citoyens à accepter que l’instabilité soit la règle du jeu, que ses causes profondes ne sont ni traçables ni réparables, que la menace ne peut être prévenue que par une sur-innovation et une hyper-surveillance des ennemis en améliorant la communication.

S’exprimant à Athènes en novembre dernier, le philosophe italien Giorgio Agamben a évoqué le changement de paradigme dans la notion de gouvernement « qui veut que la relation hiérarchique traditionnelle entre causes et effets soit inversée, de sorte que, au lieu de gouverner les causes – une entreprise difficile et coûteuse – les gouvernements tentent simplement de contrôler les effets ».

Pour Agamben, ce changement est emblématique de la modernité. Cela explique aussi pourquoi la libéralisation de l’économie peut coexister avec la prolifération croissante du contrôle dans la vie quotidienne – par le biais de distributeurs de savon et de voitures gérées à distance. « Si le gouvernement vise les effets et non les causes, il sera tenu d’étendre et multiplier les contrôles. Identifier les causes demande de l’analyse de la connaissance, tandis que les effets peuvent être vérifiés et contrôlés. » La réglementation algorithmique est la mise un œuvre d’un programme politique par le biais technologique.

Les vraies politiques de régulation algorithmique deviennent visibles une fois que sa logique est appliquée aux protections sociales de l’État-providence. Ce n’est pas un appel pour les démanteler, mais les citoyens sont néanmoins encouragés à prendre en charge leur propre santé. Voyez comment Fred Wilson, un influent capital-risqueur américain, encadre le sujet. « La santé est … l’opposé des soins de santé, » a-t-il dit lors d’une conférence à Paris en décembre dernier. « C’est ce qui vous garde du système de soins de santé en premier lieu. » Ainsi, nous sommes invités à commencer à utiliser les applications d’auto-suivi et de partage des données, de surveiller nos indicateurs vitaux, nos symptômes et les lacunes de notre propre santé.

Cela est bien en accord avec les propositions récentes pour sauver les services publics en difficulté en favorisant des modes de vie plus sains. Ainsi le rapport 2013 de l’Unité d’information du gouvernement local du Conseil de Westminster et, un groupe de réflexion, appellent à la subordination des prestations de logement et autres prestations sociales à des visites des demandeurs à la salle de gym – avec l’aide de cartes à puce. Ces cartes à puce pourraient ne pas être nécessaires : de nombreux smartphones peuvent déjà compter les pas que nous faisons chaque jour (Google Now, assistant virtuel de l’entreprise, fait le relevé de ces données automatiquement et il présente périodiquement les résultats aux utilisateurs, les poussant à marcher plus).

Les nombreuses possibilités que les dispositifs de suivi offrent aux industries de la santé et d’assurance ne sont pas perdues pour O’Reilly. « Vous saviez que la publicité s’est avérée être le modèle d’affaires de base pour l’Internet ? » lors d’une conférence récente, il se demandait : « Je pense que l’assurance va être le modèle d’affaires d’origine pour l’Internet des choses ». Les choses semblent se diriger dans cette voie : en juin, Microsoft a conclu un accord avec American Family Insurance, le huitième plus grand assureur du logement aux États-Unis, dans lequel les deux sociétés vont financer les startups qui veulent mettre des capteurs dans les maisons intelligentes et les voitures intelligentes aux fins de « protection proactive ».

Une compagnie d’assurance serait heureuse de subventionner les coûts d’installation de capteurs dans votre maison – aussi longtemps qu’elle pourra automatiquement alerter les pompiers ou faire que les lumières du porche sur la rue clignotent au cas où votre détecteur de fumée se déclenche. Pour l’instant, accepter de tels systèmes de suivi est présenté comme un avantage supplémentaire qui peut nous épargner de l’argent. Mais quand en arriverons-nous au point où ne pas les utiliser sera considéré comme une négligence – ou, pire, un acte de dissimulation – qui doit être pénalisé par des primes plus élevées ?

Dans son rapport de mai 2014 de 2020Heath, un autre groupe de réflexion propose des allégements fiscaux aux Britanniques qui arrêtent de fumer, restent mince ou boivent moins : « Nous proposons le « paiement par résultats », une récompense financière pour les personnes qui deviennent des partenaires actifs dans la santé, dans lequel si vous promettez, par exemple, de maintenir bas votre taux de sucre dans le sang, arrêtez de fumer, perdez du poids, [ou] prenez davantage soin de vous-même, il y aura réduction d’impôt ou prime de fin d’année ». Les gadgets intelligents sont les alliés naturels de ces politiques : ils documentent les résultats et peuvent même aider à les atteindre – en ne cessant de nous harceler à faire ce qui est attendu de nous

L’hypothèse sous-jacente de la plupart de ces rapports est que la mauvaise santé n’est pas seulement un fardeau pour la société mais mérite d’être punie (fiscalement pour l’instant) pour irresponsabilité. Qu’est-ce qui pourrait expliquer leurs problèmes de santé, sinon leurs déficiences personnelles ? Ce n’est en tout cas pas l’emprise des entreprises alimentaires ni les différences fondées sur la classe sociale ou les diverses injustices politiques et économiques. On pourra bien porter une douzaine de capteurs puissants, posséder un matelas intelligent, ce genre d’injustices restera inaperçu, car elles ne sont pas le genre de choses qui peuvent être mesurées par un capteur. Suivre à la trace les injustices sociales est beaucoup plus difficile que la vie quotidienne des personnes dont les vies qui en pâtissent.

En déplaçant l’attention des insuffisances institutionnelles et des malversations économiques pour s’attacher au contrôle des personnes, la réglementation algorithmique nous offre une bonne vieille utopie technocratique de la politique sans politique. Le désaccord et le conflit, selon ce modèle, sont considérés comme des sous-produits malheureux de l’ère analogique – à résoudre par la collecte des données – et non comme les conséquences inévitables de conflits économiques ou idéologiques.

Cependant, une politique sans politique ne signifie pas une politique sans contrôle ni administration. Comme O’Reilly l’écrit dans son essai : « Les nouvelles technologies permettent de réduire le coût de la réglementation tout en augmentant la quantité de surveillance et de production de résultats souhaitables. » Ainsi, c’est une erreur de penser que la Silicon Valley veut nous débarrasser des institutions gouvernementales. Son rêve n’est pas un petit gouvernement de libertaires – un petit État, après tout, n’a besoin ni de gadgets sophistiqués ni de serveurs massifs pour traiter les données – mais bien les économistes comportementaux obsédés par le besoin de données.

Ceux qui sont amoureux de la technologie , le sont pour son principe fondateur essentiel qui est que tandis que nous nous comportons de façon irrationnelle, notre irrationalité peut être corrigée – si l’environnement agit sur nous en nous poussant vers la bonne option. Sans surprise, l’une des trois références à la fin de l’essai de O’Reilly pointe sur un discours prononcé en 2012 « Regulation: Looking Backward, Looking Forward » by Cass Sunstein, un juriste américain de premier plan qui est le principal théoricien de ce type de gouvernance. Et tandis que ses partisans ont déjà séduit l’État en faisant de la psychologie comportementale le discours favori de la bureaucratie gouvernementale – Daniel Kahneman est à la mode, Machiavel est ringard – le lobby de la régulation algorithmique avance de façon plus clandestine. Ils créent des organisations à but non lucratif inoffensives comme « Code for America » qui a ensuite enrôlé l’État – sous le couvert d’encourager des hackers de talent à résoudre les problèmes civiques.

Ces initiatives visent à reprogrammer l’État, le rendre ouvert au retour d’expérience et éliminer tout autre moyen de faire de la politique. Pour toutes ces apps qui enregistrent notre comportement, ces algorithmes et ces capteurs pour travailler nécessitent des bases de données interopérables – qui est ce que ces organisations pseudo-humanitaires demandent. Et quand le gouvernement est trop lent pour évoluer à la vitesse de la Silicon Valley, ils vont simplement s’installer à l’intérieur du gouvernement. Ainsi, Jennifer Pahlka, fondatrice du « Code for America » et protégée de O’Reilly, est devenue vice-directrice de la technologie du gouvernement des États-Unis – tout en bénéficiant d’une « bourse de l’innovation » d’un an de la Maison Blanche.

Les gouvernements à court d’argent accueillent favorablement cette colonisation par des technologues – surtout si elle permet d’identifier et nettoyer les ensembles de données qui peuvent être vendus avec profit à des entreprises qui ont besoin de ces données à des fins publicitaires. Les récents affrontements sur la vente de données sur les élèves et de la santé au Royaume-Uni sont juste un précurseur de batailles à venir : après tout les biens de l’État ont été privatisés, les données sont la prochaine cible. Pour O’Reilly, les données ouvertes sont « un élément clé de la révolution de la mesure ».

Cette « révolution de la mesure » vise à quantifier l’efficacité de divers programmes sociaux, comme si la raison d’être des filets de protection sociale que certains États fournissent était d’atteindre la perfection. La raison réelle, bien sûr, était de permettre une vie épanouie en supprimant certaines angoisses, de sorte que les citoyens puissent poursuivre leur projet de vie relativement tranquillement. Cette vision porte sur un vaste appareil bureaucratique et les critiques de gauche de l’état providence – particulièrement celles de Michel Foucault – avaient raison de contester ses tendances « disciplinaires ». Quoi qu’il en soit, ni la perfection ni l’efficacité n’étaient le « résultat souhaité » de ce système. Ainsi, comparer l’état providence à l’état algorithmique pour de tels motifs est trompeuse.

Mais nous pouvons comparer leur vision respective de l’épanouissement humain – et le rôle qu’ils accordent aux marchés et à l’État. L’offre de la Silicon Valley est claire : grâce aux retour d’expérience permanent, nous pouvons tous devenir des entrepreneurs et prendre soin de nos propres affaires ! Comme Brian Chesky, le chef de la direction de Airbnb, a dit au magazine The Atlantic l’an dernier, « Qu’est-ce qui se passe quand tout le monde est une marque ? Quand tout le monde a une réputation ? Chacun peut devenir un entrepreneur. »

En vertu de cette vision, nous allons tous coder (Pour l’Amérique !) le matin, conduire les voitures Uber dans l’après-midi, et louer nos cuisines comme restaurants – avec l’aimable autorisation de Airbnb – dans la soirée. Comme O’Reilly écrit de Uber et d’entreprises similaires, « ces services demandent à chaque passager d’évaluer leur pilote (et les conducteurs d’évaluer leur passager). Les pilotes qui fournissent un service médiocre sont éliminés. La réputation fait un meilleur travail pour offrir une expérience client superbe que tout effort de réglementation gouvernementale ».

L’État en arrière-plan de l’« économie de partage » ne se réduit pas significativement ; il pourrait même être nécessaire pour s’assurer que la réputation accumulée sur Uber, Airbnb et d’autres plates-formes de l’« économie de partage » soit totalement liquide et transférable, créant ainsi un monde où chacune de nos interactions sociales est enregistrée et évaluée, effaçant tout ce qui existe comme différences entre les secteurs de la société. Quelqu’un, quelque part, finira par vous évaluer en tant que passager, hôte de maison d’hôtes, étudiant, patient, client. Si cette infrastructure de classement sera centralisée ou distribuée, fournie par un géant comme Google ou appartenir à l’État, n’est pas encore clair, mais l’objectif principal est de faire de la réputation dans un réseau social, un moyen qui pourrait protéger les citoyens vraiment responsables des vicissitudes de la déréglementation.

Admirant les modèles de réputation de Uber et Airbnb, O’Reilly souhaite que les gouvernements « adoptent ceux qui ne montrent pas d’effets indésirables tangibles ». Mais ce qui compte comme « effet pernicieux » et comment le démontrer est une question clé. Il est facile de démontrer les « effets néfastes » si l’objectif de la réglementation est l’efficacité, mais si c’était autre chose ? Certes, il y a certains avantages – moins de visites chez le psychanalyste, peut-être – de ne pas voir toutes vos interactions sociales mesurées ?

L’impératif d’évaluer et de démontrer des « résultats » et des « effets » présuppose déjà que le but de la politique est l’optimisation de l’efficacité. Toutefois, tant que la démocratie est irréductible à une formule, ses valeurs seront toujours perdantes dans cette bataille car elles sont beaucoup plus difficiles à quantifier.

Pour la Silicon Valley, cependant, l’État algorithmique obsédé par la réputation de l’économie de partage est le nouvel état providence. Si vous êtes honnête et travailleur, votre réputation en ligne le reflétera, produisant pour vous un filet social très personnalisé et « ultra-stable » au sens de Ashby. Alors que l’état de bien-être suppose l’existence de maux sociaux spécifiques qu’il tente de combattre, l’état algorithmique ne fait pas de telles hypothèses. Les futures menaces peuvent rester totalement inconnaissables tout en étant entièrement adressables – sur le plan individuel. Silicon Valley, bien sûr, n’est pas le seul à vanter ces solutions individuelles ultra-stables. Nassim Taleb, dans son best-seller en 2012 Antifragile, fait un plaidoyer semblable, plus philosophique, un plaidoyer pour maximiser notre ingéniosité individuelle et notre résilience : ne pas obtenir un emploi mais plusieurs, ne pas contracter de dette, compter sur notre propre expertise. Tout est question de prise de risque et de résilience et comme dit Taleb, « être sur la brèche ». Comme Julian Reid et Brad Evans écrivent dans leur nouveau livre, Resilient Life: The Art of Living Dangerously, Vie résiliente : L’art de vivre dangereusement, ce culte croissant de la résilience masque une reconnaissance tacite qu’aucun projet collectif ne pourrait même aspirer à apprivoiser les menaces multiples à l’existence humaine – nous ne pouvons qu’espérer nous armer à les aborder individuellement. « Quand les décideurs s’engagent dans le discours de la résilience », écrivent Reid et Evans, « ils le font en des termes qui visent explicitement à empêcher les humains de concevoir le danger comme un phénomène à partir duquel ils pourraient rechercher une libération et même, au contraire, comme ce à quoi ils doivent maintenant s’exposer. »

Quelle est donc l’alternative progressiste? « L’ennemi de mon ennemi est mon ami » ne fonctionne pas ici simplement parce que si Silicon Valley attaque l’État-providence cela ne signifie pas que les progressistes doivent le défendre jusqu’à la dernière balle (ou le dernier tweet). Tout d’abord, même les gouvernements de gauche ont un espace limité pour les manœuvres fiscales, parce que le type de dépenses discrétionnaires nécessaires à la modernisation de l’État-providence ne sera jamais approuvé par les marchés financiers mondiaux. Et ce sont les agences de notation et les marchés obligataires – et non pas les électeurs – qui sont en charge aujourd’hui.

Deuxièmement, la critique de gauche de l’État-providence est devenue d’autant plus pertinente aujourd’hui alors que les frontières exactes entre bien-être et sécurité sont devenues si floues.

Lorsque les Android de Google animeront massivement notre vie quotidienne, la tentation du gouvernement de nous gouverner par voitures télécommandées et distributeurs de savon alarme sera devenue considérable. Cela permettra d’élargir l’emprise des gouvernements sur les domaines de la vie auparavant exempts de réglementation.

Avec autant de données, l’argument favori du gouvernement dans la lutte contre le terrorisme – si seulement les citoyens en savaient autant que nous, eux aussi imposeraient toutes ces entorses à la loi – s’étend facilement à d’autres domaines, allant de la santé au changement climatique. Ainsi une publication académique récente qui a utilisé les données de recherche Google pour étudier des modèles d’obésité aux États-Unis, a trouvé une corrélation significative entre les mots clé de recherche et les niveaux de l’indice de masse corporelle. « Les résultats sont très prometteurs dans le sens d’une surveillance de l’obésité en temps réel par des données fournies par Google Trends », notent les auteurs, qui seraient « particulièrement intéressantes pour les établissements de santé publics et les entreprises privées telles que les compagnies d’assurance. »

Si Google détecte une épidémie de grippe, quelque part, il est difficile de contester son information – nous n’avons tout simplement pas l’infrastructure nécessaire pour traiter autant de données à cette échelle. Mais Google peut se tromper – comme cela a été le cas récemment avec ses données sur les tendances de la grippe, il a en effet surestimé le nombre d’infections, probablement en raison de son incapacité à tenir compte de la forte médiatisation de la grippe – ce qui est aussi le cas avec la plupart des alertes terroristes. C’est l’immédiat, la nature en temps réel des systèmes informatiques qui en fait les parfaits alliés d’un état obsédé par la prévention.

Peut-être, le cas de Gloria Placente et son voyage raté à la plage n’était pas seulement une curiosité historique, mais un présage de la façon dont l’informatique en temps réel, combinée à des technologies de communication omniprésentes, pourrait transformer l’État. Une des rares personnes à avoir pris en compte ce présage était un dirigeant d’agence de publicité américain peu connu appelé Robert MacBride. Celui-ci a poussé la logique derrière l’opération CORRAL à ses conséquences ultimes dans son livre de 1967 injustement négligé, »L’État automatisé ». The Automated State. À l’époque, l’Amérique était en train de débattre du bien-fondé de la création d’un centre national de données pour agréger différentes statistiques nationales et les rendre disponibles à des organismes gouvernementaux. MacBride a critiqué l’incapacité de ses contemporains à voir comment l’État pourrait exploiter les métadonnées quand tout serait en passe d’être informatisé. Au lieu d’un « Empire austro-hongrois à grande échelle », les systèmes informatiques modernes produiraient « une bureaucratie d’une efficacité pratiquement céleste » qui peut « identifier et définir les relations d’une manière que nulle bureaucratie humaine ne pourrait jamais espérer mettre en place ».

« Que l’on joue au bowling un dimanche ou qu’on visite une bibliothèque est sans conséquence puisque personne ne va le vérifier », écrivait-il. Mais ce n’est pas le cas lorsque les systèmes informatiques peuvent agréger des données provenant de différents domaines et les corréler sur place. « Notre comportement individuel dans l’achat et la vente d’une automobile, une maison, ou d’un titre, à payer nos dettes et en acquérir de nouvelles, et gagner de l’argent et être payé, sera noté méticuleusement étudié de manière exhaustive », a prévenu MacBride. Ainsi, un citoyen va bientôt découvrir que « le choix de ses abonnements à des magazines … peut-être trouvé et indiquer avec précision la probabilité d’entretenir sa propriété ou son intérêt pour l’éducation de ses enfants. » Cela sonne étrangement similaire à la récente affaire d’un père malheureux qui a constaté que sa fille était enceinte par le biais d’un coupon ciblé, qu’un détaillant avait envoyé à leur maison. Le choix de la cible a été basé sur l’analyse des produits – par exemple, »lotion non parfumée – le plus souvent acheté par d’autres femmes enceintes ».

Pour MacBride la conclusion était évidente. « Les droits politiques ne seront pas violés mais ils ressembleront à ceux d’un petit actionnaire dans une entreprise géante », écrit-il. « La marque de sophistication et de savoir-faire dans cet avenir sera la grâce et la souplesse avec laquelle on accepte son rôle et fait le maximum de ce qu’il offre. » En d’autres termes, puisque nous sommes en premier lieu tous des entrepreneurs, et seulement en second lieu des citoyens, autant se faire une raison et en tirer le meilleur.

Alors, que faut-il faire ? La techno-phobie n’est pas la solution. Les progressistes ont besoin de technologies qui collent à l’esprit – si ce n’est pas à la forme institutionnelle – de l’état providence, la préservation de l’engagement à créer des conditions idéales pour l’épanouissement de l’homme. Même une certaine « ultra stabilité » pourrait être la bienvenue. La stabilité était un objectif louable de l’état providence avant d’avoir rencontré un piège : en spécifiant les mesures de protection précises que l’État se devait d’offrir contre les excès du capitalisme, l’empêchait de réagir facilement et rapidement à de nouvelles formes non précisées de l’exploitation.

Comment construire un soutien social qui soit à la fois décentralisée et ultra-stable? Une forme de revenu de base garanti – où certains services sociaux sont remplacés par des transferts directs en espèces aux citoyens – s’adapte aux deux critères.

Créer les conditions pour l’émergence de communautés politiques autour des enjeux et des questions qu’elles jugent pertinentes serait une autre étape souhaitable. Le plein respect du principe de l’ultra-stabilité dicte que ces questions ne puissent ni être anticipées ni dictées d’en-haut – par les partis politiques ou les syndicats – et doivent être laissées non précisées.

Quel est le type d’infrastructure de communication qu’il faille mettre en œuvre ? Elle devrait être gratuite, difficile à espionner, et ouverte à de nouveaux usages, des usages subversifs. L’infrastructure existante de la Silicon Valley est idéale pour répondre aux besoins de l’État, pas pour ceux des citoyens souhaitant s’auto-organiser. Elle peut, bien sûr, être redéployée pour des causes militantes – et elle l’est souvent – mais il n’y a aucune raison d’accepter le statu quo comme idéal ou inévitable.

Pourquoi, après tout, confisquer ce qui devrait appartenir au peuple de toute manière ? Alors que la plupart des créateurs de l’Internet déplorent la façon dont leur créature est tombée aussi bas, leur colère est mal orientée. La faute n’est pas à cette entité amorphe mais, tout d’abord, à l’absence d’une politique de gauche en matière de technologie – une politique qui puisse contrer l’agenda pro-innovation, pro-privatisation de la Silicon Valley. En son absence, toutes les contre-communautés de gauche sont manchotes. Le prochain « Occupy Wall Street » serait-il en mesure d’occuper une ville vraiment « intelligente » ? Cela reste à voir : ce qui est le plus probable, c’est qu’il serait sur-réprimé et sur-droné.

Il faut dire au crédit de MacBride, qu’il avait tout compris en 1967 : « Compte tenu des ressources technologiques et techniques de planification modernes », a-t-il averti, « ce n’est vraiment pas très compliqué de transformer même un pays comme le nôtre en une entreprise où le bon fonctionnement de tous les détails de la vie est une fonction mécanique prise en charge ». La crainte de MacBride est devenue le plan directeur de O’Reilly : le gouvernement, écrit-il, devrait être calqué sur l’approche « lean startup » (startup svelte) de la Silicon Valley, qui « en utilisant les données produites révise constamment et affine son approche du marché ». C’est cette approche que Facebook a récemment déployée afin de maximiser la participation des utilisateurs sur le site : si le truc c’est de montrer aux utilisateurs des histoires qui se terminent mieux, ainsi soit-il.

La réglementation algorithmique, quelles que soient ses avantages immédiats, produira un régime politique où les entreprises de technologie et les bureaucrates du gouvernement décident de tout. L’auteur polonais de science-fiction Stanislaw Lem, dans une critique bien vue de la cybernétique, publiée à peu près au même moment que l’État automatisé, écrivait : « La société ne peut pas se débarrasser du fardeau d’avoir à décider de son propre sort en sacrifiant cette liberté au bénéfice du régulateur cybernétique ».

 

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The Guardian : Le Pentagone se prépare à contrer les mouvements de rupture de la société civile, par Nafeez Ahmed

http://www.pauljorion.com/blog/2014/06/14/the-guardian-le-pentagone-se-prepare-a-contrer-les-mouvements-de-rupture-de-la-societe-civile-par-nafeez-ahmed/

14 juin 2014 par Paul Jorion |

Une vingtaine de mails me sont parvenus à propos de ma vidéo d’hier, Le temps qu’il fait le 13 juin 2014. La moitié approuve la thèse que je défends, l’autre moitié la désapprouve. Point commun des commentaires qui désapprouvent ma thèse : ils ignorent ce qui est écrit dans l’article du Guardian dont ma vidéo est un commentaire. J’ai répondu à ceux qui tentent de me réfuter : « Vous n’avez manifestement pas lu l’article de Nafeez Ahmed ! » Ceux d’entre eux qui m’ont répondu jusqu’ici me le concèdent : non, ils n’ont pas lu l’article du Guardian.

Dominique Gerin (La commentatrice « Alexandria », à l’époque où les commentaires étaient autorisés sur le blog) me fait parvenir une traduction de l’article, ce dont je la remercie.

Le Pentagone se prépare à contrer les mouvements de rupture de la société civile © The Guardian

Nafeez Ahmed, The Guardian, 12 juin 2014

La militarisation des sciences sociales avance en vue du développement d’“outils opérationnels” ciblant militants pacifistes et mouvements de protestation.

Le Pentagone finance la recherche en sciences sociales visant à modéliser les risques de “contagion sociale” susceptibles de porter atteinte aux intérêts stratégiques des États Unis. Photo Jason Reed/Reuters

 

Un programme de recherche du ministère de la Défense US (DoD) finance la modélisation par les universités de la dynamique (risques et points de basculement) de troubles civils à grande échelle à travers le monde, sous la supervision de diverses agences militaires américaines. Le programme – plusieurs millions de dollars – a pour but de développer à court et long terme une “appréhension militaire” des problématiques de politique commune de défense, à l’usage des hauts fonctionnaires et décideurs, et d’éclairer les politiques mises en œuvre par les commandements militaires.

Lancée en 2008 – année du déclenchement de la crise bancaire mondiale –, la DoD ‘Minerva research Initiative’, en partenariat avec les universités, a pour but de “renforcer la compréhension par le Dpt de la Défense des forces sociales, cultiurelles comportementales et politiques qui sous-tendent les régions du monde d’importance stratégique pour les États-Unis”.

Parmi les projets retenus pour la période 2014-2017, il y a une étude de l’Université Cornell dirigée par le Service de la recherche scientifique de l’US Air Force qui vise à développer un modèle empirique de “dynamique de la mobilisation et de la contagion d’un mouvement social”. Il s’agit de déterminer la “masse critique (seuil de basculement)” de la contagion sociale par l’étude des “traces numériques”  dans les cas de “la révolution égyptienne de 2011, les élections russes à la Douma de 2011, la crise d’approvisionnement en fioul au Niger en 2012, et le mouvement de protestation du parc Gazi en Turquie en 2013”.

Les messages et les conversations sur Twitter seront examinés pour “identifier quels sont les individus mobilisés dans une contagion sociale, et quand ils se sont mobilisés”.

Un autre projet retenu cette année à l’université de Washington “cherche à découvrir dans quelles conditions naissent les mouvements politiques visant un changement politique et économique à grande échelle”. Le projet, dirigé par le service de recherche de l’armée US, est centré sur “les mouvements de grande ampleur mettant en cause plus de 1000 participants engagés dans une action durable” et devrait couvrir 58 pays au total.

L’an dernier, la Minerva Initiative du Dpt de la Défense a financé un projet intitulé “Qui ne devient pas terroriste, et pourquoi ?”, projet qui met pourtant dans le même sac militants pacifistes et “partisans de la violence politique” ne différant des terroristes qu’en ce qu’ils ne se lancent pas eux-mêmes dans le “militantisme armé”. Le projet vise explicitement l’étude des militants non violents :

« Dans n’importe quel contexte il se trouve nombre d’individus qui partagent les mêmes conditions familiales, culturelles et/ou socio-économiques que ceux déterminés à s’engager dans le terrorisme, et qui, même s’ils ne vont pas jusqu’à l’engagement armé, éprouvent de la sympathie pour les buts des groupes armés. Le champ des études sur le terrorisme n’a pas, jusqu’il y a peu, pris en compte l’étude de ce groupe témoin. Ce projet ne concerne pas les terroristes, mais les sympathisants de la violence politique. »

Chacune des 14 études de cas du projet “met en œuvre des entretiens approfondis avec plus de 10 activistes et militants de partis ou ONG qui, bien que favorables à des causes radicales, ont choisi la voie de la non-violence”.

J’ai pris contact avec la principale chercheuse du projet, le professeur Maria Rasmussen de la US Naval Postgraduate School, pour lui demander pourquoi les militants non-violents travaillant pour des ONG devaient être assimilés à des partisans de la violence politique – et quels “partis et ONG” faisaient l’objet de l’enquête – mais n’ai pas reçu de réponse .

De même, le personnel du programme Minerva a refusé de répondre à une série de questions similaires que je leur ai posées, en particulier comment les “causes radicales” promues par des ONG pacifistes pouvaient constituer une menace potentielle pour la sécurité nationale intéressant le Dpt de la Défense.

Parmi mes questions :

« Le Dpt de la Défense US considère-t-il les mouvements de protestation et le militantisme social en différents points du monde comme une menace pour la sécurité nationale des États-Unis ? Si oui, pourquoi ? Militantisme, contestation, “mouvements politiques”, et bien sûr ONG, sont des éléments essentiels à la bonne santé de la société civile et de la démocratie ; pourquoi le Dpt de la Défense subventionne-t-il de la recherche autour de tels enjeux ? »

La directrice du programme Minerva, le docteur Erin Fitzgerald, m’a répondu : “Je comprends vos préoccupations et je suis heureuse qu’en nous contactant vous nous donniez l’occasion d’une clarification”, avant de promettre une réponse plus détaillée. Au lieu de cela, j’ai reçu du service de presse de la Défense l’insipide déclaration que voici :

« Le Dpt de la Défense prend au sérieux son rôle dans la sécurité des États-Unis, de ses citoyens, et de ses alliés et partenaires. Même si tous les défis de sécurité ne provoquent pas de conflit, même si chaque conflit n’implique pas l’armée américaine, Minerva contribue au financement de la recherche fondamentale en sciences sociales, et cette contribution accroît la compréhension qu’a le Dpt de la Défense des causes de l’instabilité et de l’insécurité dans le monde. Grâce à cette meilleure compréhension des conflits et de leurs sources, le DD est mieux à même de se préparer à l’environnement sécuritaire de demain. »

En 2013, Minerva a subventionné un programme de l’université du Maryland, en collaboration avec le Pacific Northwest National Laboratory du ministère de l’Énergie visant à évaluer les risques de troubles civils liés au changement climatique. Ce programme d’1,9 millions de dollars sur trois ans développe des modèles anticipant ce qui pourrait arriver aux sociétés suivant différents  scénarios de changement climatique.

Dès le départ, il a été prévu que le programme Minerva fournirait plus de 75 millions de dollars sur cinq ans à la recherche en sciences sociales et comportementales. Pour cette seule année en cours, le Congrès US lui a alloué un budget total de 17,8 millions de dollars.

Un e-mail interne d’un membre du personnel de Minerva, cité dans un mémoire de Master de 2012, révèle que le programme est orienté vers la production de résultats rapides qui soient directement applicables aux opérations de terrain. Le mémoire en question faisait partie d’un projet subventionné par Minerva à l’Arizona State University, sur “le discours musulman contre-révolutionnaire”.

L’e-mail interne du professeur Steve Corman, principal responsable du programme, relate une réunion organisée par le programme du DoD, Human Social Cultural and Behavioural Modeling (HSCB), au cours de laquelle des officiers supérieurs du Pentagone ont fait état de leur priorité à “développer des capacités pouvant être mises en œuvre rapidement” sous la forme de “modèles et outils directement intégrables à leurs interventions”.

Bien que le Dr Harold Hawkins, contrôleur du service de recherche navale, ait donné dès le départ l’assurance aux chercheurs universitaires que le projet était pour l’essentiel “un effort de recherche fondamentale, de sorte que nous ne serions pas préoccupés de fabriquer des trucs ou des machins appliqués”, la réunion montre qu’en réalité le DoD est à la recherche de “résultats substantiels” sous forme d’“applications”, écrit Corman dans son e-mail. Il a conseillé à ses chercheurs de “réfléchir à des résultat de mise en forme, des rapports, etc., afin qu’ils [ceux du DoD] voient clairement leur demande d’outils de terrain aboutir”.

Nombre de chercheurs indépendants critiquent ce qu’ils considèrent comme les efforts du gouvernement américain pour militariser les sciences sociales au service de la guerre. En mai 2008, l’American Anthropological Association (AAA) a écrit au gouvernement des États-Unis que le Pentagone n’a pas “le genre d’infrastructure pour une évaluation de la recherche anthropologique [et autres  sciences sociales] » qui permette “un examen par les pairs à la fois rigoureux, équilibré et objectif ”, appelant à ce qu’une telle recherche soit plutôt gérée par des agences civiles comme la National Science Foundation (NSF).

Le mois suivant, le Dpt de la Défense a signé un protocole d’accord avec la NSF sur une cogestion de Minerva. En réponse, l’AAA a averti que bien que les propositions de recherche dussent être désormais évaluées par les comités d’examen de la NSF, “ce seraient les officiers du Pentagone qui auraient le pouvoir de nomination aux sièges de ces comités”.

« … Il reste cette inquiétude au sein de la discipline que la recherche ne soit financée que quand elle appuiera le programme du Pentagone. D’autres critiques du programme, émanant en particulier du Réseau des Anthropologues responsables, ont objecté qur le programme allait décourager la recherche dans d’autres domaines importants, et compromettre le rôle de l’université comme lieu de discussion et de critique indépendantes au sujet de l’armée. »

Selon le Dr David Price, anthropologue de la culture à l’université St Martin, Washington DC, auteur de Weaponizing Anthropology : Social Science in Service of the Militarized State (« L’armement de l’anthropologie : les sciences sociales au service d’un État militarisé »), “quand vous prenez un par un  la plupart de ces projets, tout cela a l’air d’une science sociale normale : analyse textuelle, recherche historique, etc. ; mais quand vous les additionnez, ils partagent tous cette même lisibilité avec toutes les distorsions d’une simplification excessive. Minerva sous-traite ‘à la pièce’ ses finalités globales d’une manière permettant à chacun de dissocier sa propre contribution du projet total.”

Le professeur Price a déjà montré comment le programme du Pentagone Human Terrain Systems (HTS) – conçu pour incorporer les spécialistes des sciences sociales dans les opérations militaires de terrain – menait habituellement ses entraînements dans des régions “aux États-Unis”.

Citant un résumé critique du programme envoyé aux directeurs de l’HTS par un ancien employé, Price rapporte que les entraînements HTS “adaptaient le projet COIN [counterinsurgency (anti-insurrection)] conçu pour l’Afghanistan et l’Iraq” aux situations intérieures “aux USA, où les populations locales étaient vues d’un point de vue militaire comme menaçant l’équilibre établi du pouvoir et de l’autorité, et défiant la loi et l’ordre”.

“Il y a un jeu de guerre, a déclaré Price, qui met en scène des militants de l’environnement protestant contre une pollution engendrée par une centrale à charbon près du Missouri, dont certains étaient membres de la fameuse ONG environnementale Sierra Club. Les participants étaient chargés de “distinguer ceux qui étaient des ‘porteurs de solutions’, ceux qui étaient des ‘fauteurs de troubles’, et le reste de la population, vouée à devenir la cible d’opérations d’information, afin de faire bouger son centre de gravité vers cet ensemble de perspectives et de valeurs constituant le ‘terminus souhaité’ de la stratégie de l’armée.”

Ces jeux de guerre sont en phase avec toute une série de documents de planification du Pentagone, qui suggèrent que la surveillance de masse de la National Security Agency (NSA) est en partie motivée par la préparation à la déstabilisation que provoquera la survenue des chocs environnemental, énergétique et économique.

Le professeur James Petras, titulaire de la chaire Bartle de sociologie à l’université Binghamton de New York, rejoint les préoccupations de Price. Les chercheurs en sciences sociales subventionnés par Minerva et rattachés aux opérations anti-insurrectionnelles du Pentagone sont impliqués dans “l’étude des émotions provoquées par l’exacerbation ou la répression des mouvements idéologiques”, dit-il, y compris “la neutralisation des mouvements issus de la base”.

Minerva est un excellent exemple de la nature profondément bornée et vouée à l’échec de l’idéologie militaire. Pire encore, le refus des responsables du DoD de répondre aux questions les plus élémentaires est symptomatique de ce simple fait : dans leur inébranlable mission de défense d’un système mondial de plus en plus impopulaire au service des intérêts d’une infime minorité, les agences de sécurité n’ont aucun scrupule à nous dépeindre, nous le reste du monde, comme de potentiels terroristes.

Nafeez Ahmed est journaliste et chercheur spécialiste des questions de sécurité. Il est l’auteur de A User’s Guide to the Crisis of Civilization, and How to Save It, et d’un livre de science-fiction à paraître,  Zero Point. Suivez-le sur Facebook et Twitter @nafeezahmed.

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